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REVUE DES DEUX MONDES.

Et le dos prosterné sur ses larges pavés ;
Il n’a les bras tendus et les regards levés
Que vers le ciel lardé de ses pâtisseries ;
Il n’adore qu’un dieu, le dieu des porcheries,
Il admire son corps, il le trouve très beau,
Et craint le mal que fait un glaive dans la peau.

LE PÊCHEUR.

Ô frère ! il a raison. Mais la mélancolie
A versé dans ta veine une bourbeuse lie,
Le génie a toujours monté l’homme à l’orgueil :
Aussi tu vois la chose avec un mauvais œil.
Du peuple il faut toujours, poète, qu’on espère,
Car le peuple, après tout, c’est de la bonne terre,
La terre de haut prix, la terre de labour,
C’est ce sillon doré qui fume au point du jour,
Et qui, rempli de sève et fort de toute chose,
Enfante incessamment et jamais ne repose :
C’est lui qui pousse aux cieux les chênes les plus hauts ;
C’est lui qui fait toujours les hommes les plus beaux ;
Sous le fer et le soc, il rend outre mesure
Des moissons de bienfaits, pour le mal qu’il endure :
On a beau le couvrir de fange et de fumier,
Il change en épis d’or tout élément grossier :
Il prête à qui l’embrasse une force immortelle,
De tout haut monument c’est la base éternelle,
C’est le genou de Dieu, c’est le divin appui,
Aussi, malheur, malheur à qui pèse sur lui !