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IL PIANTO.

Ô poésie ! amour, perles de la nature,
Des beautés de ce monde, essence la plus pure ;
Célestes diamans et joyaux radieux,
Semés à tous les plis de la robe des cieux,
Qu’a-t-on fait du trésor de vos pures lumières,
Pour vous voir aujourd’hui rouler dans les poussières ?
Avez-vous tant perdu de valeur et de prix,
Que les hommes pour vous, n’aient plus que du mépris ?
Ah ! malheur aux mortels qui traînent dans les fanges
L’éclat pur et serein de l’image des anges !
Malheur ! cent fois malheur à tous les cœurs méchans,
Qui poussent la beauté sur leurs tristes penchans !
Malheur aux esprits froids, aux hommes de la prose,
Éternels envieux de toute grande chose,
Qui n’éveillant sur terre aucun écho du ciel,
Et toujours enfouis dans le matériel,
Chassent d’un rire amer les divines pensées,
Comme au fond des grands bois, les nymphes dispersées !
Si, du malheur des temps, l’épouvantable loi,
Veut, hélas ! aujourd’hui, que les hommes sans foi,
Et tous les corrompus prévalent dans le monde ;
Si tout doit s’incliner devant leur souffle immonde,
Et sous un faux semblant de civilisation ;
Si l’univers entier subit leur action,
Si le rire partout tranche l’aile de l’âme,
Si le boisseau fatal engloutit toute flamme ;
Amour et poésie, anges purs de beauté,
Reprenez votre essor vers la Divinité,
Regagnez noblement votre ciel solitaire,
Et sans regret aucun de cette vile terre