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REVUE. — CHRONIQUE.

étaient près de moi s’en éloignèrent comme d’un pestiféré, et quand je me retournai, la sotte superstition avait paralysé toutes les langues, blanchi toutes les joues récemment brûlantes d’une joyeuse espérance. »

Frithiof, pour expier la profanation dont Helge l’accuse, est condamné, sous peine d’être infâme et proscrit à jamais, à aller réclamer dans les îles de l’ouest un tribut qu’elles ont cessé de payer depuis la mort de Bele. Il part ; mais le printemps suivant, de fâcheuses nouvelles accueillent son retour. Sa demeure n’est plus qu’un monceau de cendres ; Helge l’a incendiée en fuyant devant le roi Ring, et celui-ci vient d’emmener Ingeborg.

Furieux, le guerrier va trouver dans le temple le roi Helge, occupé à célébrer la fête de Balder, et lui jette à la tête la bourse qui contient le tribut. En partant, Frithiof avait donné à Ingeborg un bracelet précieux, l’un des trésors de sa famille ; Helge en avait orné la statue de Balder. Frithiof veut le reprendre, ses efforts ébranlent la statue de bois du dieu, qui tombe dans le bûcher préparé pour la solennité ; le feu se communique au temple, rien ne peut en arrêter la furie. Frithiof, proscrit pour ce crime involontaire, se rend en exil, il erre sur l’océan solitaire, fait des courses lointaines, écrit des lois pour les guerriers de son bord. Ce code étant celui des anciens pirates du Nord, nous croyons devoir encore traduire ce morceau :

« Ne dresse pas de tente sur le navire, ne dors pas dans une maison : l’ennemi est en dedans de la porte de la salle. Que le pirate dorme sur son bouclier et le glaive à la main ; le ciel bleu lui sert de tente.

« Il est court, le manche du marteau de Thor ; le glaive de Frey a seulement deux pieds de long : cela suffit. Si tu as du courage, approche de ton ennemi, et ton glaive ne sera pas trop court.

« Quand le vent souffle avec furie, hisse ta voile jusqu’au haut du mât ; les vagues bouleversées réjouissent le pirate. Laisse aller, laisse aller ; qui amène la voile est un lâche, mieux vaut mourir.

« La femme est exilée à terre, le bord lui est interdit ; fût-elle Freya elle-même[1], elle te tromperait, car la fossette de ses joues

  1. Déesse de l’amour pur et innocent.