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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

Cela serait-il si extraordinaire ? Cet échappé des bagnes est protégé par vous contre les citoyens qu’il menace. » — Dites-moi, monsieur, si, dans toutes les annales du parlement anglais, vous trouveriez un plus beau morceau d’éloquence politique !

Je vous ai parlé de son dernier discours. Il le prononça très peu de temps avant sa mort. Cette fois ce fut contre M. Guizot et ses anciens amis, qu’il vint défendre la liberté de la presse, contre M. Humann, qui avait pris complaisamment le parti du fisc en haine des journaux, non pas avec autant d’esprit et la même habileté, mais du moins avec l’acharnement de M. de Villèle. N’est-elle pas admirable cette constance d’un homme qui avait déjà tant de motifs pour être désabusé, et qui vieux et cassé, trompé dans presque toutes ses illusions, remontait toujours patiemment à la même brèche ? On me saurait certainement mauvais gré de ne pas répéter ses dernières paroles. « Je viens, dit-il, défendre une cause qui, ce me semble, a peu de faveur. Vous avez entendu hier un orateur habile établir une distinction entre les anciens et les nouveaux journaux ; il n’a pas dit grand bien des uns, mais il a dit beaucoup plus de mal des autres. Je ne nierai point qu’il y ait quelquefois dans ces derniers de l’exagération, mais, dans mon humble opinion, cette exagération trouve quelque excuse dans certaines circonstances que je demande la permission d’indiquer en peu de mots. Vous avez entendu l’attaque, vous daignerez sans doute écouter la défense.

« Les journaux nouveaux sont sortis du sein de la révolution de juillet, ils en sont sortis pleins de joie et d’espérance : que leur joie reposât sur des théories que vous regardez comme inapplicables, que leurs espérances allassent au-delà de ce qui vous a paru possible, n’importe, leur joie et leur espérance étaient innocentes ; il faut leur rendre cette justice, qu’ils se sont ralliés à l’instant même au roi citoyen que vous avez placé sur le trône.

« Qu’ont-ils rencontré ? Une défiance inexplicable, non-seulement de leurs intentions, mais des hommes qui nous ont sauvés, et dont ils étaient les organes. Partout ont retenti d’étranges paroles : « Le temps de l’indulgence est passé. » On eût dit des pédagogues sévères contre des enfans rebelles.

« De plus, ces journaux ont vu maintenir en place une quantité