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tuer le gibier qui se présentait à leurs coups. Si, en remontant l’Oyapock, ses sauts exigent de pénibles efforts de la part des Indiens pour les franchir, il ne leur faut pas développer moins d’adresse lorsqu’il s’agit de les descendre. Pendant que la plupart pagayent, l’un d’eux, armé d’une longue perche, se tient debout à l’avant de l’embarcation pour découvrir les passages les moins périlleux, et avertit celui qui gouverne à l’arrière des dangers qui se présentent. Le canot, emporté avec la rapidité d’une flèche à travers le labyrinthe de roches dans lequel il est engagé, tombe, pour ainsi dire, de cascades en cascades. Telle est quelquefois le peu de largeur du passage, qu’il faut éviter de poser les mains sur les bords de la pirogue, pour ne pas courir le risque d’avoir les doigts écrasés contre les roches qui pressent, en quelque sorte, ses flancs des deux côtés. Lorsque la hauteur perpendiculaire des chutes est trop considérable, les Indiens s’arrêtent, attachent une longue liane à l’avant du canot, et entrant à l’eau, le font virer de bord, de manière à ce qu’il descende lentement en présentant son arrière le premier. Les uns le retiennent par la liane, tandis que les autres, placés sur les côtés, le dirigent avec attention. Malgré ces précautions, il arrive quelquefois qu’une lame le remplit, ou que s’échappant de leurs mains, le courant l’emporte en le heurtant de toutes parts contre les roches. Alors les Indiens, qui sont d’admirables nageurs, s’élancent à sa poursuite, et ont bientôt fait de l’atteindre. Après avoir déchargé le bagage, et vidé avec leurs couys une partie de l’eau qui remplit l’embarcation, ils impriment à cette dernière un mouvement oscillatoire très fort qui achève de la mettre à sec. Ils plongent ensuite pour reprendre les objets qui sont tombés au fond de l’eau et continuent leur route.

Ces accidens sont très rares ; mais deux heures après notre départ, nous en éprouvâmes un d’une autre nature qui est plus fréquent et plus désagréable encore. Notre canot, au moment de franchir un barrage où le courant l’entraînait avec violence, heurta de l’avant contre une roche aiguë à fleur d’eau, et y resta engagé ; il était fendu de plus d’un pied et demi, et l’eau y entrait avec une rapidité effrayante. Nous n’eûmes que le temps de le dégager et de le diriger coulant bas sur une roche voisine où nous le cintrâmes avec des lianes que nos Indiens furent chercher dans le bois. Nous