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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/29

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LITTÉRATURE COMPARÉE.

d’aborder cette chaire qu’en y apportant, à défaut d’un talent digne des brillans souvenirs qu’elle rappelle, les fruits d’une étude sérieuse. Occupé, par devoir, depuis plusieurs années, de travaux sur les littératures étrangères, j’ai craint, si je me renfermais trop exclusivement dans le champ de la nôtre, de rester au-dessous de la tâche nouvelle et imprévue qui m’était imposée ; j’ai craint de ressembler à ces voyageurs qui, dans les courses d’une vie errante, ont désappris la douceur de l’accent natal, et sont comme dépaysés en rentrant dans leur patrie. Pour échapper à ce péril, j’ai dû chercher un sujet qui ne fût point étranger à la destination de cette chaire, et auquel cependant des études antérieures m’eussent suffisamment préparé. Un seul se présentait naturellement ; la littérature française n’a pas été sans rapport avec les autres littératures. Vous le savez, messieurs, notre langue n’a pas exercé une moindre influence en Europe que nos mœurs, nos idées et nos armes. De leur côté, les lettres étrangères ont agi sur nous à plusieurs reprises : faire l’histoire de cette mutuelle influence, en déterminer les causes, en apprécier les résultats, tel est le sujet de recherches qui m’a semblé concilier le mieux et la nature de ce cours et la direction de mes études.

En effet, messieurs, il est impossible de s’occuper de l’Europe moderne et de ne pas être ramené sans cesse à la France ; dans mes plus lointaines excursions littéraires au nord et au midi, j’ai rencontré partout son génie voyageur et conquérant. Non moins souple et mobile que dominateur et communicatif, il n’est pas un peuple dont il n’ait, pour un jour, accueilli la langue ou adopté la fantaisie ! Ainsi, messieurs, nous toucherons à toutes les grandes littératures, car toutes ont été en contact avec nous ; tantôt nous verrons la nôtre, instrument glorieux de la civilisation du monde, subjuguer l’Europe charmée ; tantôt nous assisterons aux luttes soutenues contre elle par les littératures nationales, et notre sympathie, sans injustice, sera pour leur cause, car toute insurrection contre l’étranger est sainte ! Quelquefois, enfin, quoique trop rarement, nous applaudirons à d’utiles échanges, enrichissant par un heureux commerce notre trésor littéraire. Ainsi nous irons à travers l’Europe de siècle en siècle et de pays en pays, suivant partout l’étoile et la bannière de la France.