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sud-ouest, une peuplade nombreuse avec laquelle ils avaient des rapports, et l’un d’eux s’offrit pour nous y conduire. Cette distance était évidemment exagérée, en supposant qu’on marchât sans s’arrêter. Mais les Indiens, dans leurs voyages, s’écartant de côté et d’autre pour chasser, et campant quelquefois plusieurs jours de suite quand ils arrivent dans un endroit abondant en gibier ou sur les bords d’une crique poissonneuse, la peuplade en question pouvait n’être éloignée que de quatre-vingts à cent lieues, et appartenir à quelques-unes des nations des bords de l’Amazone.

Pendant les deux jours suivans, la pluie ne cessa de tomber, et nous ne pûmes sortir du carbet. Le troisième, nous profitâmes d’un court intervalle de beau temps pour aller visiter les Indiens qui étaient venus nous voir. Un sentier à moitié effacé conduisait à leurs carbets, et nous n’arrivâmes à ces derniers qu’après quatre heures de marche sur un terrein marécageux où nous enfoncions à chaque pas. La population de ces carbets était plus considérable que nous ne nous y attendions, et je comptai soixante-dix individus de tout âge et de tout sexe réunis sur ce point. Tous étaient couverts de rocou des pieds à la tête, et ressemblaient à autant de démons. Le peu de ressources que leur offre le Yarupi pour la pêche, en les obligeant de vivre au milieu des forêts, paraissait avoir apporté quelques changemens dans leurs mœurs. Leurs plantations étaient plus vastes que celles des Indiens de l’Oyapock, mieux entretenues, et ils consacraient une portion plus considérable de leur temps à la chasse. Il était facile de s’en apercevoir par le grand nombre d’animaux apprivoisés de toute espèce qui peuplaient leurs carbets, et qui vivaient, pour ainsi dire, en communauté avec eux. Je leur achetai quelques espèces rares de singes et d’oiseaux qu’un accident me fit perdre plus tard en descendant l’Oyapock. La plupart de ces Indiens n’avaient jamais visité le bas de la rivière, ni vu de blancs, et le peu d’objets de fabrique européenne qui étaient entre leurs mains provenaient sans doute de leurs échanges avec leurs compatriotes. Notre visite, sous ce rapport, leur fut de quelque utilité, car nous laissâmes parmi eux un bon nombre de haches, sabres d’abatis, couteaux, etc.

Ayant l’intention de pousser plus loin par terre, nous voulûmes engager quelques-uns de ces Indiens à nous servir de guide pour