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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/296

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REVUE DES DEUX MONDES.

Les obstacles dont j’ai eu à parler à chaque instant, dans le cours de mon récit, suffisent pour démontrer que quand même l’intérieur de la Guyane se peuplerait un jour, l’Oyapock n’aura jamais aucune importance commerciale, et que le transport des marchandises devra se faire comme dans une grande partie du Brésil, où d’innombrables troupes de mules sont sans cesse occupées à porter sur le littoral les productions des provinces intérieures. Toutes les rivières de la Guyane, sans exception, sont dans le même cas : à quelques lieues de leur embouchure se présentent des sauts qui interrompent la navigation, et que de légers canots peuvent seuls franchir. Ceux de l’Oyapock sont situés, comme nous l’avons vu, à quatorze lieues de la mer ; l’Approuague, à la même distance, est barré par ceux de Tourépé et de Maparou ; la Comté en offre de semblables à vingt lieues de son entrée ; le Kourou et la Sinnamary, à quinze lieues et ainsi des autres. Il résulte de cette disposition générale que ces rivières non-seulement ne seront jamais d’aucune utilité pour les communications, mais encore qu’elles offriront un obstacle permanent à la dissémination de la population dans l’intérieur du pays, si jamais elle vient à s’accroître. Les hommes, en effet, dans leurs émigrations insensibles, suivent en général le cours des eaux, et s’arrêtent là où elles cessent d’être navigables. Or les sauts dont je viens de parler tendent à refouler la population sur le littoral, c’est-à-dire sur une lisière tellement étroite, qu’elle peut à peine être exprimée sur une carte d’une étendue médiocre. Cette disposition du terrain serait, au contraire, un boulevard pour les Indiens, en les isolant des blancs, s’il était encore question de leur indépendance et du maintien de leurs anciennes coutumes. Les missionnaires, en entreprenant de les civiliser à une époque où leurs nations étaient encore assez nombreuses, avaient profité habilement de cette circonstance, et au lieu de réunir leurs diverses tribus à la paroisse du bas de la rivière, comme ils eussent pu le faire, ils avaient fondé les missions de Saint-Paul et du Camopi, séparées du reste de la colonie par des sauts de difficile accès, de sorte que, sans bannir expressément les blancs de ces missions, ainsi qu’ils l’avaient fait au Paraguay, ils n’étaient que rarement exposés à leurs visites. Des motifs d’intérêt personnel pouvaient entrer dans cette mesure, je ne prétends pas le nier, bien que je ne