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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

Les principales situations de Bertram avaient attiré sur Maturin les censures de l’église anglicane. Le succès de cette première tragédie, loin de servir à l’avancement de l’auteur, s’opposa irrévocablement à sa fortune ecclésiastique, comme le Conte du tonneau avait arrêté celle de l’auteur de Gulliver.

Loin de perdre courage, Maturin se remit à écrire des romans. Pour et contre, ou les Femmes, Melmoth, et les Albigeois se rapportent à cette époque de sa vie, et complètent, avec ses sermons et un poème sur l’univers, la série de ses œuvres. Maturin est mort à Dublin en 1825, à l’âge de quarante-trois ans.

Ou le voit, les évènemens ne se pressent pas dans la biographie de Maturin. Nous ne sommes plus au temps de Camoens et de Cervantes. Il n’est plus de mode aujourd’hui d’avoir couru les aventures, d’avoir passé par toutes les chances de la guerre et des voyages, d’avoir dans ses souvenirs un naufrage au retour du Nouveau-Monde ou une captivité en Afrique, pour écrire un roman, ou un poème. Comme l’a très justement remarqué un critique érudit et spirituel, dont je ne fais que rappeler ici la pensée, le talent littéraire qui, au seizième siècle, à Lisbonne et à Madrid, n’était qu’un accident, une aventure ajoutée à mille autres, plus périlleuses et plus pénibles, est devenu parmi nous, depuis la fin du dernier siècle surtout, une profession régulière, capable de remplir tous les instans et de suffire à tous les besoins.

Toutefois, pour compléter ce tableau biographique, et avant d’aborder l’analyse et la discussion des titres, je dois mentionner deux fragmens de Maturin, qui servent à dessiner la franchise de son caractère et l’élévation de son jugement. Dans la préface de Pour et contre, voici ce qu’il dit de lui-même : « Aucun de mes précédens ouvrages n’a été populaire, et la meilleure preuve, c’est qu’aucun d’eux n’est parvenu à une seconde édition ; Montorio a bien eu quelque succès, mais un succès de cabinets de lecture ; c’était tout ce qu’il méritait. Ce genre de roman était passé de mode dès mon enfance, et je n’avais pas assez de talent pour le ressusciter. Quand je pense à ces ouvrages maintenant, je ne suis nullement surpris de leur obscure destinée ; car, outre l’absence d’intérêt, ils me semblent manquer de vraisemblance et de réalité. Les caractères, les situations et le langage n’appar-