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don. Les beaux esprits et les courtisans de Versailles estimaient les fleuves des bassins et les termes des allées à l’égal de l’Andromède et du Diogène.

Coyzevox, Coustou, Lepautre, Pigal et Houdon, chacun selon leur force et leur génie, ont géré l’héritage qu’ils avaient recueilli, mais sans l’agrandir et le féconder. Les chevaux de Marly, le joueur de flûte, l’Anchise, malgré leurs belles parties, ne soutiennent pas la comparaison avec les chefs-d’œuvre de leurs ancêtres.

Aujourd’hui nous avons peine à comprendre la popularité de la sculpture impériale. Les formes rondes et sèches, les draperies mesquines et anguleuses, l’étrange association des lignes et des attitudes romaines avec les armes et les vêtemens de 1810, la burlesque singerie de la colonne trajane n’excitent plus ni colère ni pitié. Toute la critique se réduit à l’étonnement.

Aussi bien l’étonnement lui-même s’évanouit devant la réflexion. Les guerres d’Athènes et de Florence, qui n’ont pas arrêté le paisible développement de la fantaisie, n’avaient pas les mêmes origines ni le même caractère que les guerres de France, depuis 1799 jusqu’en 1815. Les démocraties aristocratiques de la Grèce et de l’Italie pouvaient mener de front le départ d’une flotte, la signature d’un traité et la construction d’un monument. Elles n’avaient pas à contenir, par la dictature militaire, tout un peuple harassé de luttes intestines, dégoûté de ses plus chères espérances par dix ans d’efforts et de déceptions, empressé à l’abdication de ses droits comme un enfant qui reviendrait à son tuteur pour se sauver de la ruine.

C’est pourquoi la statuaire, la plus idéale de toutes les fantaisies, n’avait pas de place marquée entre la conquête de l’Italie et la retraite de Moscou. Napoléon pouvait bien commander à des ouvriers dociles de ciseler le marbre ; mais le peuple avait plus de souci d’un bulletin que d’un monument.

Les dix-huit dernières années ont été marquées par un retour sérieux vers deux époques de l’histoire, séparées l’une de l’autre par un espace de vingt-et-un siècles. Les jeunes gens qui se croient exclusifs, et qui sont loin de l’être, veulent reprendre la sculpture à la veille de Marignan. D’autres, ennemis des novateurs, prétendent suivre les traditions qui faisaient la gloire d’Argos et de Corinthe pendant la guerre du Péloponèse. À mon avis, ils se