Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/595

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
589
UNE ESTANCIA.

À leur arrivée à Buenos-Ayres, les cuirs sont conservés, en attendant leur embarquement, dans de vastes magasins appelés barracas, qui peuvent en contenir jusqu’à cent mille et au-delà. On les range par piles régulières élevées d’un pied au-dessus du sol, pour les mettre à l’abri de l’humidité, qui n’est pas au reste le seul ennemi qu’ils aient à craindre : un insecte du genre dermestes des naturalistes pullule dans ces magasins, et détruirait en peu de temps les masses de cuirs les plus considérables, si on n’y veillait sans cesse. Tous les quinze jours en été et toutes les six semaines en hiver, on est obligé de battre les cuirs pour faire tomber ces insectes, et surtout leurs larves qui y adhèrent assez fortement au moyen des longs poils dont elles sont hérissées, et qui exercent encore de plus grands ravages que l’insecte parfait. Cette opération, qui augmente considérablement les frais, ne préserve pas toujours les cuirs, et les navires qui les emportent en Europe sont fréquemment infestés par cette vermine.

La race de bœufs répandue dans les pampas ne diffère en rien de celle que nous possédons en France ; peut-être est-elle de taille un peu plus petite, ce qu’il faut attribuer aux intempéries des saisons auxquelles elle est sans cesse exposée, et aux jeûnes prolongés qu’elle éprouve pendant la sécheresse. La même cause rend sa chair moins nourrissante et moins bonne que celle de nos bœufs. Il existe en outre une variété constante qui se distingue de la race ordinaire par une taille moins élevée, des formes plus trapues, et surtout par la tête qui est ramassée, avec un muffle en quelque sorte écrasé. On appelle un bœuf de cette espèce niato, camard. Quelques personnes ont voulu faire de cette variété une race distincte et propre au pays ; mais comme on connaît très bien l’époque à laquelle le bétail y a été introduit, et le nom des individus qui en amenèrent pour la première fois quelques têtes du Brésil, il ne peut y avoir aucun doute à cet égard[1]. Les chevaux, ne rece-

  1. « Plusieurs Portugais vinrent avec ces nouveaux colons, entr’autres les deux frères Goes, de noble naissance, dont le nom vivra éternellement dans ce pays, pour y avoir amené huit vaches et un taureau, et posé ainsi les fondemens de cette richesse colossale, qui place les provinces du Rio de la Plata au premier rang dans l’Amérique du Sud. Le conducteur de ce