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MISCELLANÉES SCIENTIFIQUES.

veau, en y pénétrant par une ouverture pratiquée dans la voûte, et qui s’était arrangée de manière à n’y être pas troublée. À cet effet elle avait creusé le sol, gratté les murailles pour en faire tomber les plâtras, et de tous ces matériaux elle avait construit une barricade, un mur intérieur qui s’élevait derrière la porte à près de deux pieds de hauteur : de plus, comme entre le bas de la porte et le seuil il y avait un jour par lequel la terre s’échappait sans doute quand elle commença à l’accumuler, elle avait disposé au-devant de cette ouverture une planche qu’elle avait détachée d’une étagère, après quoi elle avait repris sa construction.

Dans un coin du caveau, elle avait établi son lit, formé d’une couche de paille de huit à dix pouces d’épaisseur, qu’elle avait amassée en déroulant celle qui entortillait une vingtaine de bouteilles. Enfin, pour n’être point dérangée dans son sommeil par les rats qu’elle ne pouvait exclure entièrement du caveau, elle s’était fait un rempart formidable de tessons de bouteilles, qu’elle avait disposés au-devant de sa couche, de manière à former un demi-cercle très régulier.

Voici un autre fait, dans lequel on peut voir de même concourir les aptitudes liées à un instinct déterminé et constant, avec les ressources de l’intelligence, qui modifie ses moyens suivant les circonstances.

Le castor a, comme on le sait, un penchant à bâtir qui, dans les lieux où il est parfaitement libre et exempt d’inquiétudes, se manifeste par d’admirables travaux, et qui semble disparaître au contraire lorsque l’animal est tourmenté par la présence de l’homme, surtout par le bruyant voisinage de l’homme civilisé. Déjà, en Amérique, il faut s’éloigner beaucoup des établissemens des blancs, pour trouver des peuplades de castors nombreuses et dans le plein développement de leur industrie. Chaque année, à mesure que le bruit de la hache se fait entendre, que les coups de fusil éclatent, de nouvelles sociétés se dispersent, et ceux qui les composaient, désormais isolés, se contentent pour demeure d’un terrier creusé dans la berge d’une rivière. C’est à cet état de dégradation que sont arrivés, depuis un temps immémorial, les castors ou bièvres de l’ancien continent ; et les anciens, qui vantent la sagacité de cet animal, ne nous disent rien de ses constructions. Le bièvre a été cependant autrefois maçon, et ce n’est pas par un pur hasard que son vieux nom de fiber est si semblable à celui de faber, fabricant. Ce penchant à bâtir sommeille dans l’espèce depuis des siècles, et de nombreuses générations se sont succédées sans qu’il se révélât par aucune manifestation ; mais que les circonstances redeviennent favorables, qu’un canton isolé leur offre une nourriture abondante, une parfaite sécurité, les individus de sexe différent qui ne se cherchaient que dans la saison des amours for-