Lorsque la reine de France, déguisée en marchande de violettes, venait avec sa cour à l’Opéra, l’esprit pouvait entrer dans les plaisirs de la soirée, et il sortait de ces lèvres de carton rose d’autres choses que les hurlemens de l’ivresse et les saletés du cabaret. Vous appelez ces mœurs infâmes ; vous repoussez les femmes dans leurs ménages, et vous entourez d’une grille de fer le berceau de leurs filles. Cela est très sage, très juste, très décent. Mais un jeune homme ne se marie pas à vingt ans, et tous les ans le mardi gras vient à son heure, qu’on veuille ou non de lui. Accorderez-vous à la jeunesse qu’elle ait des sens, des besoins de plaisir, parfois même des jours de folie ? Où voulez-vous qu’elle les passe ? C’est un Anglais silencieux qui glisse sous une table inondée de porter, sans proférer une plainte, et qui s’éteint dans l’eau-de-vie avec le papier embrasé qui la brûle. Il faut aux Français des voitures pleines de masques, des torches, des théâtres ouverts, des gendarmes et du vin chaud. Tant pis pour le siècle où les cabarets sont pleins et où les salons sont vides. Donnez la terre aux saint-simoniens, à chacun une pioche et un bonnet de coton. Ôtez à l’or sa valeur, au plaisir son attrait ; faites de la société un champ de blé de la Beauce, où pas un épi ne dépasse l’autre. Vous n’aurez plus alors de jeunesse dorée, ni de Longchamp sur le boulevard Italien. Mais tant que vous voulez vivre dans un pays libre, où chacun peut faire ce qu’il entend, où l’or est en cours, où le plaisir est à bon marché, ne vous étonnez pas que les jeunes gens aillent en masque ; et vous, législateur prudent et circonspect, qui prêchez la morale publique, souvenez-vous de Caton l’Ancien, qui félicitait un jeune homme en le voyant sortir d’un lieu de débauche.