Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

vivement, pour que de généreux ennemis, indignés de la barbarie dont on usait envers eux parce qu’ils tenaient au roi Joseph, songeassent à les délivrer. Les gardes de la prison mirent un prix à leur évasion. Des Carthagénois, qui avaient des parens prisonniers de guerre en France et qui étaient reconnaissans des soins qui leur étaient prodigués, se chargèrent de réunir les fonds demandés ; ce fut l’objet d’une collecte secrète, à laquelle bien des hommes charitables voulurent contribuer, et qui honore ceux qui en eurent l’idée.

La somme nécessaire pour obtenir la liberté du lieutenant Bernard fut réunie la première ; celle demandée pour le général était beaucoup plus considérable. M. Bernard sortit de prison. Les sbires du gouverneur et les agens de la junte se livrèrent en vain aux recherches les plus actives et les plus minutieuses pour découvrir sa retraite. Les libérateurs du jeune officier étaient trop heureux et trop fiers de leur succès pour le laisser reprendre. Ils exigèrent même qu’il se prêtât à une mystification qui fut faite au gouverneur, homme méprisé et détesté. C’était pendant le carnaval. On conduisit Bernard déguisé à un bal masqué où le chef espagnol devait se rendre. Là, au milieu des éclats de rire de tous ceux qui étaient dans le secret (et ils étaient nombreux), le captif et le geôlier figurèrent à la même contredanse. Le lendemain le capitaine d’un navire qui mettait à la voile reçut l’officier français à son bord, et le débarqua sur la plage de Malaga, à peu de distance de nos avant-postes.

L’heureuse issue de cette première tentative encouragea les amis du général Franceschi. Ils redoublèrent d’efforts ; mais l’infortuné captif ne devait ni revoir sa patrie ni voir son enfant. Atteint par les émanations humides et malsaines de sa prison, privé de tout secours médical, il succomba au moment où la somme, prix de sa liberté, allait être comptée à ses gardiens. Sa mort fut un deuil général pour la haute société de Carthagène.

Madame Franceschi, qui habitait la France, avait appris l’évasion de M. Bernard ; elle s’attendait à la délivrance de son mari. On lui cacha long-temps le sort du malheureux prisonnier. On prit des précautions pour ne lui faire arriver que par degrés la terrible nouvelle. Alors, tout entière à sa douleur, elle rejeta les conso-