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feuilles ; dans le quatrième, la simplicité toute flamande de ses compositions. Mais le plan que nous avons adopté, les limites raisonnables de nos réflexions, nous défendent de discuter individuellement ces mérites que nous proclamons volontiers. Nous laissons au public éclairé le soin d’appliquer les remarques générales que nous résumons dans la personne de MM. Paul Huet et Charles de Laberge.

Au premier aspect, la différence des effets révèle évidemment la différence des procédés et des intentions. M. Huet prétend avant tout et surtout à l’impression, à l’émotion poétique ; M. de Laberge paraît exclusivement préoccupé de la reproduction exacte et complète des moindres détails de la nature. S’il fallait retrouver les titres héraldiques de ces deux novateurs, si les hommes de fantaisie avaient besoin de généalogie, et ne pouvaient siéger parmi les contemporains illustres sans produire leurs lettres de noblesse, le premier choisirait pour parrain Claude Gelée, et le second Hobbema. Mais il importe peu de savoir de quels aïeux ils se recommandent. Pour nous, qui les jugeons sans prévention et sans prédilection, sans intérêt personnel et sans arrière-pensée, que sont-ils et que peuvent-ils être, sinon les fils de leurs œuvres ?

Or, je ne veux pas le nier, le Médecin de campagne de M. de Laberge signale dans l’accomplissement de sa volonté un progrès très réel. Si les yeux parcourent la toile de gauche à droite, ou de haut en bas, ils trouveront partout à s’occuper, à s’étonner, à s’arrêter curieusement. C’est une patience merveilleuse, une habileté qui tient du prodige. Les murs, les tuiles, les arbres, les feuilles, les terreins, les barrières, la paille, les cailloux, tout est portrait. Il y a de quoi confondre ceux qui comprennent les jours dévorés par cette rude besogne. Mais où est le centre de la composition, l’unité poétique, l’unité lumineuse, l’unité linéaire ? Vers quel point doivent se diriger les regards ou la pensée à l’exclusion des autres parties du tableau ? J’ai grand’peur que l’auteur lui-même ne puisse répondre à cette question. Son œuvre a été faite successivement pièce à pièce, tandis qu’elle n’aurait dû être que le rayonnement, l’épanouissement d’une conception primitive et centrale. S’il veut éviter l’agathe, la porcelaine, la miniature, la puérilité, il faut