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est-il arrivé que M. Schnetz, après avoir emprunté à l’Italie des compositions du premier ordre, telles que l’Inondation et la Prière à la Madone, ait consenti à peindre un sujet tel que Charlemagne et Alcuin, placé si loin de ses inspirations et de ses études habituelles ? Je ne sais lequel je dois reprendre le plus sévèrement, ou de celui qui a proposé cet épisode à l’artiste, ou de l’artiste qui s’est trompé au point de l’accepter. Ce que je puis affirmer, c’est que cette double erreur n’a pas tourné au profit de l’art. Heureusement M. Schnetz est en mesure de prendre une revanche éclatante. Qu’il retourne à Rome, et qu’il nous revienne avec un nouveau poème ! — Le Puget d’Eugène Devéria est assurément le meilleur plafond des nouvelles salles (il est bien entendu que je ne veux rien préjuger sur MM. Steuben et L. Cogniet, dont les toiles ne sont pas découvertes). Cette page est une suite naturelle et honorable de la naissance d’Henri iv, et qui effacera, je l’espère, le souvenir de la Jeanne d’Arc du même auteur. Ce n’est pas à lui que je dois reprocher d’avoir traité une scène qui n’a jamais existé dans l’histoire. Ce n’est pas sa faute si les courtisans qui ont fait hommage de Corneille à Louis xiii, ont voulu continuer dans le statuaire de Marseille la même flatterie maladroite et menteuse. M. Eugène Devéria n’a pas mission pour feuilleter les biographies et apprendre que Puget n’est jamais venu à Versailles, qu’il a vu le roi une seule fois à Fontainebleau, plusieurs années après le voyage de son chef-d’œuvre présenté à Louis-le-Grand par son fils ; il n’est pas chargé de lire la correspondance de Lebrun et les manuscrits du père Bougerel, pour entendre les réclamations infructueuses de l’artiste exposant humblement à S. M. que le groupe payé 15,000 fr. lui coûte réellement 14,500 francs. C’est à l’administration à s’enquérir de ces misères, de cette loyale générosité, de ces magnifiques encouragemens. M. Eugène Devéria ne répond que de son œuvre. Je blâmerai sans répugnance le défaut de solidité dans quelques figures, et la mignardise des deux dernières femmes placées à gauche, près du cadre. Mais après ces critiques très sérieuses, il reste encore beaucoup à louer dans cette composition. Le roi et l’artiste ont une pantomime très vraie, surtout pour ceux qui ignorent la biographie du Puget et sa querelle avec le duc de Beaufort ; il règne dans toute la toile une richesse et une coquetterie élevée.