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BEATA.

Tout à coup elle s’arrête, il fallait franchir un tronc d’arbre unissant deux roches.

— Qui vous fait peur, Beata ?

— Rien, mais je ne puis passer.

— C’est un enfantillage, vous avez bien passé en allant.

— Le torrent m’étourdit.

— Donnez-moi la main.

— La voilà.

— Prenez garde, nous tombons…

— Pardonnez-moi, Henri !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Oh ! méprise qui voudra le cœur des femmes, c’est le plus pur limon qu’ait pétri la main de Dieu. Rien n’est sublime comme de voir la nature des anges servir à deux genoux la force humaine, de voir les femmes se faire un bonheur de la souffrance, et tourner pour elles seules le calice amer qui passe à la bouche des hommes. C’est toujours pour elles la continuation des angoisses du Sauveur ; c’est l’agonie immense et acceptée avec joie au jardin des Olives. — Pauvres femmes ! méprise qui voudra vos nobles cœurs ; s’il y a un paradis, votre place y sera plus belle que la nôtre, et s’il est une justice, elle sera plus indulgente pour vos crimes que pour nos fautes.


Édouard Willer.