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DU THÉÂTRE ESPAGNOL.

mèdes joués dans les entr’actes, et d’un petit ballet. Valence, qui eut toujours une école rivale de Séville pour les arts et pour les lettres, faisait aussi quelques pas dans la carrière dramatique. Le capitaine Cristobal de Viruès, poète valencien, passe pour avoir, le premier, réduit le nombre des actes à trois, ce qui fut depuis adopté comme règle par tous les auteurs espagnols. « Viruès, dit Lope de Véga, mit en trois actes la comédie qui avait été jusque-là sur quatre pieds, comme un enfant, car elle était encore dans l’enfance. »

Le théâtre, sous le rapport de la pompe scénique, avait déjà pris un grand essor. Le même Rojas, qui disait qu’au temps de Lope de Rueda, un auteur et sa troupe auraient pu mettre leur paquet de hardes sur le dos d’une araignée, raconte qu’à l’époque de Cueva et de Viruès, des femmes jouaient leurs rôles avec des habits de soie et de velours, avec des chaînes d’or et de perles, que l’on chantait dans les intermèdes à trois et quatre voix, et qu’enfin des chevaux même servaient, dans les drames militaires, à compléter l’illusion.

Une chose bien digne de remarque, et qui est, si je ne me trompe, toute particulière au théâtre espagnol, c’est qu’on voit, à sa naissance même, commencer la querelle entre les auteurs qui veulent s’affranchir des règles, et les critiques qui veulent les y soumettre. En Espagne, au seizième siècle, le romantisme se trouve déjà aux prises avec les rigides observateurs des préceptes d’Aristote. Tandis que le rhéteur Pinciano recommandait avec instance aux écrivains dramatiques le respect des unités, dont ceux-ci ne se souciaient guère, l’un d’eux, Juan de la Cueva, prenait ouvertement, dans son Exemplar poetico, la défense des libertés théâtrales. Il les invoquait comme nées de la succession des temps qui avait aboli d’antiques lois, et comme plus propres à donner à l’imagination toute sa hardiesse, tout son essor. Cependant il joignait à cette sage opinion des avis non moins sages sur l’abus des innovations, et posait en maximes, sinon les règles trop gênantes de la vieille poétique, au moins celles que le bon sens et le bon goût doivent dicter pour tous les temps, pour tous les pays, et que ses compatriotes, dans leur fougueuse impatience de toute entrave,