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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/484

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REVUE DES DEUX MONDES.

alors nous pourrons nous entendre. Jusque-là c’est un combat dans les nuages, une pure logomachie.

Les Contes Hollandais[1], de M. Arnold da Costa, m’avaient séduit par leur titre au premier abord ; rien qu’à ce mot de contes hollandais, j’ai rêvé ingénument des soirées passées devant un bon feu de tourbe ou de charbon de terre, de fumée de tabac, de bierre écumante, ou bien de prairies humides et verdoyantes, de canaux, de kermesses, enfin de tout ce qu’un autre eût probablement rêvé à ma place. Est-ce ma faute ou celle de l’auteur si mon attente a été complètement trompée ? Ces contes se prêtent merveilleusement à tous les pays et à toutes les époques ; changez seulement les noms de lieux et de personnes ; remplacez Rotterdam, Amsterdam, Haarlem, le Keyersracht, le Nes, par Madrid, Paris, Naples, la rue Saint-Honoré ou la Puerta del sol ; au lieu de Rosa Koster, Maria Kuyper, Margarita Muys, mettez Léonie, Dolorida, Béatrix, ou le premier nom français, espagnol, italien, qui vous passera par la tête, et je doute fort que la couleur locale du livre en soit notablement altérée. M. Arnold da Costa ne paraît pas avoir compris qu’il lui fallait mettre en action quelques bonnes scènes de l’école flamande, au lieu de nous conter de petits récits d’amour, tous à dénoûmens ensanglantés, comme les grandes passions du midi. Je n’approuve pas non plus son Amsterdam à vue d’oiseau, comme inintelligible pour le lecteur sans une carte explicative, et comme réminiscence trop servile de l’admirable tableau de Notre-Dame de Paris.

Je ne quitterai pas les Contes hollandais sans dire un mot à l’auteur de son style. Pourquoi gâter à plaisir ce qu’il a reçu en partage d’imagination et d’originalité, par des phrases telles que celles-ci ? Il s’agit d’une noce de village : « Ces joyeux maîtres bacchanalisaient de leur mieux, dévoraient très allègrement crêpes au lard, poissons secs, saumons fumés, et s’empourpraient bellement le nez par les innumérables lampées dont ils s’arrosaient le gosier pour empêcher la soif de venir. » Et plus loin, pour peindre le désespoir d’une jeune fille qui vient de perdre son amant : « Elle se tordait devant moi comme ces vers qui se débattent dans du vinaigre, lascive, effarée, élastique, crispée, poussant de longs gémissemens, mordant avec démence les barreaux de ma chaise, rayant le parquet de ses ongles à en saigner. » Est-ce là, s’il vous plaît, du français ou du hollandais ? Moi, je parierais presque pour le dernier. À coup sûr cela est exécrable.

Le Salmigondis vient de jeter sur la place son tribut accoutumé de contes de toutes les couleurs. La huitième livraison offre la même quantité que les

  1. Chez Urbain Canel.