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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/491

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LES LOIS ET LES MŒURS.

sait que paria veut dire étranger, que varna veut dire à la fois caste et couleur, on ne peut guère douter que les trois castes supérieures, desquelles à tant d’égards les droits sont les mêmes, n’appartiennent à une population conquérante, supérieure en intelligence et en beauté à la population conquise et de couleur probablement différente. Ainsi s’expliquerait l’abjection de cette dernière par son infériorité physique et morale. Dans les premières, il a dû s’opérer une fusion entre des tribus guerrières, des tribus sacerdotales, des tribus industrielles et commerçantes. Chacune a gardé ses habitudes, et la loi qui semble lui avoir imposé ses mœurs n’a fait que les constater. Seulement, et c’est là le vice de cette législation, elle a fixé d’une manière immuable ce qui était spontané de sa nature, et devait demeurer libre. En un mot, l’on peut croire qu’à leur origine les races sont distinctes par leur caractère, par leur vocation, par leur tempérament, qu’il y a entre elles une inégalité et des inimitiés semblables à celles des individus, que la capacité intellectuelle et morale des unes est très supérieure à celles des autres. Mais c’eût été le devoir d’une législation bienfaisante d’effacer ces différences, de calmer ces inimitiés, de détruire peu à peu cette inégalité, au lieu de les perpétuer en les consacrant ; elle ne l’a point fait, on a le droit de le lui reprocher, mais encore faut-il convenir qu’elle n’a pas non plus inscrit à sa fantaisie sur la société indienne, comme sur une table rase, des compartimens symétriques, mais qu’elle a, pour ainsi dire, calqué le plan de son édifice sur un dessin primitif qu’avaient tracé antérieurement la tradition et les mœurs.

Continuons de suivre l’action des mœurs primitives de l’Inde sur ses lois.

En Orient, la famille est le fondement de l’état. Ceci tient aux mœurs patriarcales qui sont les mœurs natives de l’Asie. Elles ne peuvent être l’œuvre d’une législation particulière, puisque nous les retrouvons chez des peuples dont les lois actuelles diffèrent essentiellement ; d’ailleurs elles semblent antérieures à ces lois, car elles se rencontrent partout à l’origine de la civilisation orientale. Aussi plusieurs des traits les plus généraux de cette civilisation s’expliquent par cette origine. Le despotisme des rois comme celui des prêtres ne s’est établi aussi facilement que parce qu’on était accoutumé à l’autorité absolue du chef de famille, à la fois monarque et pontife dans sa tente. Le droit sacerdotal et le droit royal émanent en Orient du droit paternel, fondé lui-même sur la base sacrée des mœurs domestiques.

Nous verrons quelle a été, chez les diverses nations de l’Orient et principalement à la Chine, l’influence de ces mœurs primitives et générales sur les lois postérieures et particulières. Quant à l’Inde, c’est moins la famille charnelle qui joue un rôle dans sa législation qu’une sorte de