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REVUE DES DEUX MONDES.

là ? sais-tu ce que je lui demande ? Ah ! la lâcheté elle-même en rougirait, Lionel, je lui demande de revenir à moi.

LIONEL.

Est-ce possible ?

ANDRÉ.

Oui, oui, je sais tout cela. J’ai fait un éclat : eh bien ! dis-moi, qu’y ai-je gagné ? Je me suis conduit comme tu l’as voulu : eh bien ! je suis le plus malheureux des hommes. Apprends-le donc, je l’aime, je l’aime plus que jamais.

LIONEL.

Insensé !

ANDRÉ.

Crois-tu qu’elle y consente ? Il faut me pardonner d’être un lâche. Mon père était un pauvre ouvrier. Ce Paolo ne viendra pas. Je ne suis point un gentilhomme, le sang qui coule dans mes veines n’est pas un noble sang.

LIONEL.

Plus noble que tu ne crois.

ANDRÉ.

Mon père était un pauvre ouvrier… Penses-tu que Cordiani en meure ? Le peu de talent qu’on remarqua en moi, fit croire au pauvre homme que j’étais protégé par une fée. Et moi, je regardais dans mes promenades les bois et les ruisseaux, espérant toujours voir ma divine protectrice sortir d’un antre mystérieux. C’est ainsi que la toute puissante nature m’attirait à elle. Je me fis peintre, et lambeau par lambeau, le voile des illusions tomba en poussière à mes pieds.

LIONEL.

Pauvre André !

ANDRÉ.

Elle seule ! oui, quand elle parut, je crus que mon rêve se réalisait, et que ma Galatée s’animait sous mes mains. Insensé ! mon génie mourut dans mon amour ; tout fut perdu pour moi… Cordiani se meurt, et Lucrèce voudra le suivre… Oh ! massacre et furie ! cet homme ne vient point.

LIONEL.

Envoie quelqu’un chez Monna Flora.

ANDRÉ.

C’est vrai. Mathurin, va chez Monna Flora. Écoute, (à part) observe tout, tâche de rôder dans la maison, demande la réponse à ma lettre ; va, et sois revenu tout-à-l’heure… Mais pourquoi pas nous-mêmes, Lionel ? Ô solitude ! solitude ! que ferai-je de ces mains-là ?