Carabas. Le général Martin était, je crois, un soldat de ce brave marquis de Bussy ou de ce lâche comte de Conway. Il se distingua dans les guerres du Décan, si sanglantes, si injustes, si honteuses pour notre misérable humanité, guerres dont le motif ne fut pas même coloré, guerres enfin dans lesquelles on ne voit rien de clair, à travers les milliers de traités qui les obscurcissent, que la plus constante duplicité et la cupidité la plus atroce. Les avis sont singulièrement partagés sur le compte du général Martin. Il fut probe, fripon, avare, généreux, intrépide ou lâche, selon qu’on écoute les Anglais, les Français, les Mahrates ou les Malabars. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il amassa au service de divers sultans des richesses réellement fabuleuses. Nous avons ici de nombreux monumens qui les attestent. L’un des plus remarquables est aux environs de Patna où, depuis la mort de ce Crésus, ses exécuteurs testamentaires entretiennent une maison somptueuse dans laquelle les étrangers européens trouvent à toute heure un excellent dîner et le reste. Ses autres vœux ne furent pas moins singuliers, et il s’en est même trouvé de si extraordinaires, qu’on n’a pas pu les remplir. J’ai lu son testament, qui est déposé à Calcutta : il peint mieux le général que tout ce qu’on m’en a dit ; c’est celui d’un homme ignorant, superstitieux, bizarre et vaniteux. Voilà ce qui me paraît de plus évident dans l’histoire de cet heureux soldat, dont la carrière et la fortune sont encore une énigme pour ceux qui ne songent pas à tout ce qui peut résulter de la combinaison de beaucoup de défauts avec quelques bonnes qualités.
Nous passons à Hougly, qui a pris le nom de la rivière et ne lui a pas donné le sien, ainsi que le prétend un historien anglais, attendu, dit-il, que la rivière est plus ancienne que le village. C’est ici que se trouve un temple hindou non moins révéré que les pagodes de Jagrena, et que se célèbre la fameuse fête du Rott ou charriot à trente-six roues sous lequel les pieux Hindous viennent se faire écraser avec empressement. C’est ici qu’on dresse le tcharock, espèce de potence à laquelle s’accrochent, au moyen d’un morceau de fer