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LE CHOLÉRA.

ils se trouvaient rangés. Elle s’était ouverte pour eux à toutes les grandes époques de leur vie : c’est là qu’ils avaient reçu la bénédiction nuptiale ; c’est là qu’ils avaient présenté leurs enfans à l’eau sainte qui les enfantait à la vie du Christ, là que leurs prières s’étaient mêlées pour monter en commun vers le ciel, et là encore que chacun d’eux, du sein du recueillement et de l’affliction, avaient parfois demandé au ciel le courage et la résignation. Cette chapelle avait gaîment salué leur arrivée dans ce monde, par le joyeux carillon de ses cloches ; puis elle avait gémi sur leurs trépas, dans le sombre glas des funérailles. Du haut de sa chaire était tombée la parole sainte, la manne évangélique dont ces chrétiens avaient été nourris pendant le temps qu’ils avaient erré, comme nous, au sein de ces désolantes solitudes que nous appelons le monde, la terre, la vie. Dans cette chaire avait sans cesse retenti cette bonne nouvelle, dont un Dieu fut le messager, cette bonne nouvelle, qui annonça au monde le royaume des cieux pour prix des souffrances et des misères de la terre. Ils lui avaient prêté une oreille crédule. Ils l’avaient acceptée avec toute l’ardeur d’une foi qui ne s’était jamais trouvée en contact avec les incrédulités du siècle ; et, l’heure solennelle sonnée pour eux, ils étaient venus, joyeux sans doute d’échapper enfin aux peines de l’épreuve, pour en recevoir le prix, ils étaient venus, disais-je, se coucher dans la tombe, au pied, autour de ce même sanctuaire, d’où leur avait été promis tant de fois un réveil éternel.

Aussi, comme la lumière, subitement apparue, se retirait peu à peu, éclairant à peine encore la sommité du clocher, terminée par une grande croix, pendant que l’église elle-même s’enfonçait de plus en plus dans l’obscurité, comme aussi en même temps qu’elle touchait par sa base à cet amas de poussière mortelle, jadis animée, baignant, pour ainsi dire, par le pied, dans notre néant terrestre, elle s’illuminait pourtant encore à sa partie la plus élevée, d’une lumière tombant d’en haut ; on eût dit je ne sais quelle arche mystérieuse qui voguait en silence sur cet océan de la mort, pour aller déposer au rivage de l’éternité, dont elle recevait déjà quelques rayons du soleil levant, tous ces naufragés du temps que le cours des siècles avait engloutis tout autour d’elle.

Et d’ailleurs la grande croix d’argent, qui continuait de briller