Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/680

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
674
REVUE DES DEUX MONDES.

La condition des esclaves fut adoucie. C’était la liberté qui établissait une distance immense entre un Romain et son esclave. Mais le despotisme avait comblé cet intervalle. La puissance suprême dominait et modérait celle du maître ; l’esclavage tendait à s’effacer, pour ainsi dire, dans l’égalité de la servitude universelle[1].

À l’époque où nous sommes, l’autorité paternelle a éprouvé déjà bien des restrictions par l’adoucissement des mœurs et le relâchement des liens de famille. Cependant le principe subsiste, le fils n’est pas encore propriétaire, et, comme l’esclave, ne peut disposer de son bien qu’à titre de pécule ; et encore ce pécule ne peut se composer que de ce que le fils a acquis par ses travaux militaires. De là le nom de peculum castrense ; c’est une concession faite par le principe de l’autorité paternelle à l’esprit guerrier, qui n’était pas moins dans les mœurs romaines.

De cet esprit découlait aussi la faveur du testament militaire, savoir celle de tester dans le danger, sans être soumis aux formalités ordinaires, accordée aux soldats par la loi des douze tables, puis tombée en désuétude, puis rétablie par les premiers Césars[2]. Les empereurs ne pouvaient être avares de privilèges envers ceux qui donnaient le sceptre du monde.

La condition des femmes avait bien changé depuis les commencemens de la république, et ce changement particulier était un signe du changement total des mœurs. Dans le principe, la femme n’était pas une personne pour son mari, et comme toute autre chose, elle pouvait être acquise par un usage d’un an.

Après les guerres puniques, quand des mœurs nouvelles s’introduisirent, les femmes entrèrent dans de nouveaux rapports avec leurs époux, dans des rapports d’égalité jusqu’alors inouis. Du temps d’Auguste, les choses en étaient venues à ce degré de licence, qu’il fut obligé de réprimer la facilité des divorces. Les femmes furent par degrés affranchies des diverses tutelles auxquelles les soumettait la condition de filles adoptives de leurs maris[3]. Le fonds dotal fut déclaré inaliénable, au moins quand il était situé en Italie ; et c’est aussi vraisemblablement alors que le mari fut obligé de restituer la dot, après la dissolution du mariage[4].

Ainsi, avant Constantin, la famille, l’ancien fondement de la société romaine, n’existe plus dans sa redoutable unité. L’esclave est plus facilement affranchi ; il appartient moins complètement à son maître. Le fils de

  1. Hugo, t. ii, p. 149.
  2. Heineccius, Elementa juris civilis, livre ii, titre xi.
  3. Hugo, t. ii, p. 157.
  4. Hugo, t. ii, p. 169.