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REVUE. — CHRONIQUE.

si inhumainement ? Il me semble que la garantie morale dont parlait M. Duchâtel, était faite pour satisfaire les plus difficiles. Cette chute inattendue est précieuse après ces belles paroles de M. Viennet, jetées d’un air si dégagé et si triomphant à la chambre : « Allons, messieurs, des objections à force, des objections comme s’il en pleuvait ; nous sommes-là, nous vous en rendrons bon compte. »

Reste encore à vider la grande affaire des forts isolés ou de l’enceinte continue. Nous en aurions probablement le cœur net à l’heure qu’il est, si une grippe officieuse n’avait coupé la voix à M. le maréchal Soult. La question s’est considérablement éclaircie aux yeux de tous ceux qui veulent voir, depuis la découverte du projet bénin présenté dans le temps par M. de Clermont-Tonnerre à son auguste maître le roi Charles x. Alors, comme aujourd’hui, si l’exécution de ce triangle de feu qui devait enfermer Paris, eût été résolue, nous n’eussions pas manqué de protestations hypocrites, de beaux discours sur l’invasion étrangère, et de citations des paroles de Napoléon à Sainte-Hélène. Mais il est douteux qu’un ministre d’alors se fût permis de commencer les travaux sans l’autorisation des chambres, comme le fait en ce moment M. le ministre de la guerre, qui en agit avec la législature comme il faisait jadis avec ses soldats en campagne. Sous ce rapport, il sera curieux de voir comment nos députés accueilleront cette façon cavalière de procéder.

La conclusion du drame de Blaye n’a surpris personne ; depuis long-temps elle était annoncée. Mais qui jamais eût attendu de M. Thiers, malgré son amour bien connu du paradoxe et son imperturbable aplomb, l’incroyable profession de principes qu’il a faite à cette occasion à la tribune ? Tenons-nous désormais pour avertis que, ministériellement parlant, le gouvernement représentatif consiste à agir, n’importe de quelle manière, et à venir proclamer hautement qu’on a agi. Voilà qui simplifie singulièrement les rouages de la machine gouvernementale, et M. Thiers se trouve être tout naturellement un grand ministre. Rare découverte, réservée à cette quinzaine ! À tout prendre, mieux vaut encore cette franchise insolite de langage que l’éloquence redondante et filandreuse dans laquelle M. Barthe entortille sa pensée, en tout semblable à celle de son collègue. Du moins nous savons à quoi nous en tenir. Voilà donc madame la comtesse de Luchesi-Palli rendue à la liberté : cette carrière chevaleresque, si malheureusement interrompue par un accident de boudoir, est enfin terminée ; qu’elle aborde en paix aux rians rivages de la Sicile, la femme dont les faiblesses ont si bien secondé les projets de ses ennemis, la princesse si ridiculement servie par les siens. Que pour son repos et le nôtre, elle cesse de folles tentatives ! À ce prix, la France oubliera ses tristes es-