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n’ont recommandé les progressions, que dans les vues politiques, philosophiques ou religieuses, qui leur étaient propres.

Excepté M. Jollivet, aucun économiste français n’en a parlé sérieusement. Ainsi, nous avons été surpris de lire dans le principal ouvrage de M. J.-B. Say, que l’impôt progressif est le seul équitable, sans trouver aucune explication relative à son mode d’accroissement et à son assiette[1].

L’impôt progressif est donc encore une conception très confuse. Il nous importait d’en indiquer les causes. Par là, nous sommes mieux amenés à chercher les effets des progressions indéfiniment croissantes, sur chaque branche d’impôts.


Variations du produit de l’impôt progressif appliqué aux contributions locales. — Son effet sur les villes. — Il ne peut être qu’un impôt de quotité.


Nous avons vu que le produit de l’impôt proportionnel ou géométrique est invariable, quelle que soit la quotité des fortunes imposées, et que le produit de l’impôt progressif doit au contraire varier, selon qu’une quantité donnée de richesse est également ou inégalement distribuée entre un plus ou moins grand nombre d’individus.

Il peut même arriver que le revenu public soit nul, si la matière imposable est assez divisée pour qu’aucune fortune n’atteigne la limite où commence la progression.

Il résulte de cette propriété de l’impôt progressif, qu’étant appliqué collectivement à trois communes qui auraient chacune 600,000 fr. de revenus inégalement répartis, la commune A pourrait être imposée à 300,000 fr., la commune B à 20,000 fr., tandis

  1. M. Say répond à ceux qui prétendent que l’impôt progressif découragerait les efforts et les épargnes nécessaires à la multiplication des capitaux : « Mais qui ne voit que l’impôt, quel qu’il soit, ne prend jamais qu’une part de l’accroissement qu’on donne à sa fortune, et qu’il reste à chacun, pour produire, une prime d’encouragement supérieure à la prime de découragement ? » Nous avons donné des exemples de progressions, qui prouvent que {{|M.|Say}} ne se rendait pas compte de toutes les conséquences possibles de son principe.