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MÉLANGES.

quels on voit presque toujours perchés des faucons, un seul sur chaque roc.

Tant que les canards restent sur le lac, le faucon demeure immobile ; mais si la troupe, effrayée par l’approche d’un chien ou d’un homme, prend sa volée pour gagner un autre lac, le faucon s’élance avec la rapidité de la foudre, passe et repasse au milieu de la bande et à chaque fois abat un oiseau. Il continue de la sorte jusqu’à ce qu’il ne passe plus de canards. C’est alors seulement qu’il descend vers la terre pour manger le gibier qu’il a tué.

Les Indiens du plateau ont su mettre à profit ces habitudes du faucon, et comme les enfans de Thrace, ils vont battre les roseaux pour faire lever les canards. Comme ces enfans aussi, ils sentent la nécessité de laisser une part dans les profits à l’animal qui les a aidés dans l’entreprise ; aussi, quoiqu’ils s’empressent de saisir les canards tombés, lorsque le faucon, que leur présence n’intimide guère, s’est abattu sur un des oiseaux et a commencé à le dévorer, il est rare qu’ils le troublent dans son repas.

L’homme n’est pas, dans cette affaire, le seul qui connaisse les avantages de l’alliance, et qui cherche à en profiter ; le faucon lui-même s’en aperçoit également, de sorte que, s’il voit qu’on se dirige vers une lagune éloignée de celle sur laquelle il veillait, il change aussitôt de poste, et va se placer en un point d’où il soit prêt à se lancer sur les premiers canards qui partiront.

On demande peut-être comment il se fait que le faucon ait ainsi besoin de l’assistance de l’homme, et pourquoi il ne cherche pas à saisir le canard posé ? C’est que sa rapidité, quand il s’élance sur une proie, est telle, qu’il ne peut modérer son vol. S’il fondait sur un oiseau à terre, il se briserait infailliblement contre le sol ; s’il tombait sur un canard nageant, il s’enfoncerait profondément dans l’eau, et courrait le risque de se noyer.

Déjà, au temps d’Aristote, on avait fort bien vu que certains oiseaux rapaces ne saisissent leur proie qu’au vol, et en même temps on avait remarqué que cette allure n’est pas commune à toutes les espèces qui constituent le genre faucon. C’est ce qui se trouve exprimé très clairement au livre ix, chapitre 36, de l’histoire des animaux.

« Suivant quelques personnes, dit-il, il n’y a pas moins de dix espèces de faucons, et ces espèces se distinguent entre elles jusque dans la manière de chasser. Dans certaines espèces, l’oiseau attaque et enlève le pigeon posé à terre, et ne le touche point quand il vole. Dans d’autres, il fond sur le pigeon perché, et ne le touche, ni quand il est à terre, ni quand il vole ; dans d’autres enfin, il ne l’attaque ni posé ni perché, et le poursuit