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DE LA MUSIQUE EN ANGLETERRE.

dames Anderson, Potter, Schlesinger et Pio-Cianchettini. Le reste est plus ou moins obscur, mais tous ont des élèves et vivent.

On trouve à Londres un homme de beaucoup de mérite qui enseigne à chanter, et qui a écrit un ouvrage estimable sur son art : il se nomme M. Lanza. Quel que soit son talent, il n’est point à la mode. D’autres passent pour des hommes fort habiles, bien que fort inférieurs à lui ; ceux-là sont fort recherchés par les gens qui donnent le ton. Le patronage s’applique à tout en Angleterre, et l’on est si convaincu de sa puissance, que les artistes cherchent moins à acquérir du talent qu’à se faire des amis. Quiconque en a parmi les puissans et les riches, est assuré de sa fortune, et c’est tout ce qu’on veut dans un pays où la culture des arts n’est considérée que comme un négoce. Avec le secours du patronage, des musiciens, dont les noms sont inconnus, donnent à Londres des concerts brillans et productifs, auxquels ils ne prennent part qu’en touchant la recette ; mais le plus beau talent, s’il n’a point de prôneurs, ne parviendra jamais à rassembler un auditoire pour l’entendre. Cette puissance du patronage est telle qu’il n’est pas même nécessaire d’être musicien, pour donner un concert à son bénéfice ; on a vu des marchandes de modes en donner de fort brillans, à l’aide de quelques grandes dames qui les protégeaient.

Par un examen attentif de la société anglaise, on peut se convaincre qu’elle a besoin de musique, mais qu’elle n’en a pas le goût. Cette distinction paraîtra peut-être plus subtile que solide. Je crois cependant qu’elle ne manque pas de justesse. Je m’explique. La population anglaise se divise en deux classes qui ne se mêlent jamais, que rien ne peut réunir, et qui semblent former deux peuples différens. L’une se compose de cette population industrielle et sage qui a créé la plus belle civilisation qui soit au monde, et dont les travaux constans ont pour but le bien-être général combiné de la manière la plus heureuse avec l’intérêt particulier : cette classe ne manque point d’aptitude pour les arts ; mais elle n’a que peu de temps à leur accorder ; ils sont pour elle un délassement et ne peuvent devenir une affaire. L’autre peuple, qui croit n’être point du même sang que le premier, est cette aristocratie qu’on pourrait appeler la plaie de l’Angleterre ; mal d’autant plus funeste, que le royaume britannique n’en guérira