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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

présente, je crois, un effectif de quatre cent mille hommes, s’élève à environ trois cent six millions.

Nul ne peut être officier s’il n’a servi deux ans ; les candidats sont proposés par le corps d’officiers et nommés par le conseil-d’état : celui qui atteint l’âge de vingt-cinq ans sans avoir servi dans l’élite, sert dans un corps de dépôt jusqu’à l’âge de cinquante, et est frappé d’incapacité pour devenir officier. Un citoyen ne peut se marier, s’il ne possède son uniforme, ses armes et sa bible.

Quant au pouvoir législatif, il est établi sur des bases aussi solides et aussi claires : tous les cinq ans la chambre des députés est soumise à un renouvellement intégral, et le conseil exécutif à un renouvellement partiel. Tout citoyen est électeur ; les élections se font dans l’église, et les députés prêtent aussitôt serment devant l’écusson fédéral, où sont inscrits ces deux mots : Liberté. — Patrie.

La cathédrale de Lausanne paraît avoir été commencée vers la fin du quinzième siècle ; elle allait être terminée, et la partie supérieure de l’un de ses clochers restait seule à achever, lorsque la réformation interrompit ces travaux en 1536. L’intérieur, comme celui des temples protestans, est nu et dépouillé de tout ornement ; un grand prie-Dieu s’élève au milieu du chœur : c’est là, qu’à l’époque le calvinisme fit de si rapides progrès, les catholiques venaient prier Dieu de rendre la lumière à leurs frères égarés. Ils y vinrent si long-temps et en telle quantité, que le marbre, creusé par le frottement, a conservé l’empreinte de leurs genoux.

Le chœur est entouré de tombeaux presque tous remarquables, soit sous le rapport de l’art, soit à cause des restes illustres qui leur ont été confiés, soit enfin à cause des particularités qui se rattachent à la mort de ceux qu’ils renferment.

Les tombeaux gothiques, dignes de quelque attention, sont ceux du pape Félix v, et d’Othon de Granson, à la statue duquel les mains manquent. Voici la cause de cette mutilation :

En 1393, Gérard d’Estavayer, jaloux des soins que rendait à sa femme, la belle Catherine de Belp, le sire Othon de Granson, prit le parti, pour se venger de lui, et pour dissimuler la véritable cause de cette vengeance, de l’accuser d’être l’auteur d’un empoisonnement dont le comte Amédée viii, de Savoie, avait manqué d’être victime.