Ces lieux communs mythologiques et ce cliquetis de mots sonores, mais à peu près vides de sens, plurent au roi Sighebert et à ceux des seigneurs franks qui, comme lui, comprenaient quelque peu la poésie latine. À vrai dire, il n’y avait, chez les principaux chefs barbares, aucun parti pris contre la civilisation ; tout ce qu’ils étaient capables d’en recevoir, ils le laissaient volontiers venir à eux ; mais ce vernis de politesse rencontrait un tel fonds d’habitudes sauvages, des mœurs si violentes, et des caractères si indisciplinables, qu’il ne pouvait pénétrer bien avant. D’ailleurs, après ces hauts personnages, les seuls à qui la vanité ou l’instinct aristocratique fît rechercher la compagnie et copier les manières des anciens nobles du pays, venait la foule des guerriers franks, pour lesquels tout homme, sachant lire, à moins qu’il n’eût fait ses preuves devant eux, était suspect de lâcheté. Sur le moindre prétexte de guerre, ils recommençaient à piller la Gaule, comme au temps de la première invasion ; ils enlevaient, pour les faire fondre, les vases précieux des églises, et cherchaient de l’or jusque dans les tombeaux. En temps de paix, leur principale occupation était de machiner des ruses pour exproprier leurs voisins, Gaulois d’origine, et d’aller sur les grands chemins attaquer, à coups de lances ou d’épées, ceux dont ils voulaient se venger. Les plus pacifiques passaient le jour à fourbir leurs armes, à chasser ou à s’enivrer. En leur donnant à boire, on obtenait tout d’eux, jusqu’à la promesse de protéger de leur crédit, auprès du roi, tel ou tel candidat pour un évêché devenu vacant. Harcelés continuellement par de pareils hôtes, toujours inquiets pour leurs biens ou pour leur personne, les membres des riches familles indigènes perdaient le repos d’esprit sans lequel l’étude et les arts périssent ; ou bien, entraînés eux-mêmes par l’exemple, par un certain instinct d’indépendance brutale que la civilisation ne peut effacer du cœur de l’homme, ils se
Clarior æthereâ, Brunehildis, lampada fulgens
Lumina gemmarum superasti lumine vultûs…
Saphirus, alba adamas, crystalla, smaragdus, iaspis,
Cedant cuncta ; novam genuit Hispania gemmam !
(Venantii Fortunatii, carmin, lib. vi, pag. 558.)