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Ainsi périt cette jeune femme, qu’une sorte de révélation intérieure semblait avertir d’avance du sort qui lui était réservé, figure mélancolique et douce qui traversa la barbarie mérovingienne, comme une apparition d’un autre siècle. Malgré la rudesse des mœurs et la dépravation générale, il y eut des âmes qui se sentirent émues en présence d’une infortune si peu méritée, et leurs sympathies prirent, selon l’esprit du temps, une couleur superstitieuse. On disait qu’une lampe de cristal, suspendue près du tombeau de Galesvinthe, le jour de ses funérailles, s’était détachée subitement sans que personne y portât la main, et qu’elle était tombée sur le pavé de marbre, sans se briser et sans s’éteindre. On assurait, pour compléter le miracle, que les assistans avaient vu le marbre du pavé céder comme une matière molle, et la lampe s’y enfoncer à demi[1]. De semblables récits peuvent nous faire sourire, nous qui les lisons dans de vieux livres, écrits pour des hommes d’un autre âge ; mais, au sixième siècle, quand ces légendes passaient de bouche en bouche, comme l’expression vivante et poétique des sentimens et de la foi populaires, on devenait pensif, et l’on pleurait en les entendant raconter.


Augustin Thierry.

    extremum eam suggilari jussit à puero, mortuamque reperit in strato… Rex autem, cùm eam mortuam deflesset, post paucos dies Fredegundam recepit in matrimonio. (Ibid. pag. 217.)

  1. Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast., lib. iv, pag. 217. — Fortunati carmin., lib. vi, pag. 563.