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Une loi de Rhadama, toujours en vigueur, punit de mort tout soldat qui prend la fuite dans une action.

Les dispositions naturelles de ce peuple le rendaient susceptible de se façonner promptement à la civilisation ; aussi y a-t-il fait d’assez grands progrès sous la direction des agens et des missionnaires anglais, qui se sont habilement emparés du rôle que nous aurions dû remplir à Madagascar, où nos anciens établissemens et l’habitude contractée, par les naturels, de traiter avec nous à l’exclusion des autres Européens, eussent rendu notre tâche facile. Mais nous avons laissé échapper l’occasion d’acquérir une influence légitime et durable sur les Hovas, et de long-temps, sans doute, elle ne se représentera, car les derniers événemens ont allumé une haine implacable contre nous dans le cœur de cette nation. On est loin de se former en Europe une idée juste du degré de civilisation qu’ils ont atteint. Beaucoup d’entre eux savent lire et écrire leur langue ; il existe même à Tananarive, leur capitale, une imprimerie établie par les missionnaires, d’où sortent de petits écrits religieux, ou relatifs aux arts, qu’ils répandent dans le pays[1]. Les troupes hovas régulières sont armées de fusils ; la poudre dont elles se servent est fabriquée sur les lieux ; les généraux portent des uniformes anglais, et quelques-unes de leurs femmes ont adopté le costume de cette nation. Des voitures commencent à circuler dans les rues de Tananarive ; en un mot, il ne manque plus que le temps pour développer cette civilisation naissante.

Les agens anglais, dont elle est en partie l’ouvrage, n’étaient pas dirigés dans leurs efforts par le sentiment d’une philantropie désintéressée. Nous expulser de Madagascar, ou du moins contrarier les établissemens que nous voudrions y former, a toujours été le but

  1. Le verset suivant de l’Évangile de saint Mathieu, traduit en hova par les missionnaires, pourra donner une idée du nombre et de la douceur de cette langue :

    « Ra hoy Jesoy-Christy : Raha natao ny tany Tayra sy ny Sidona, izay natao ny tamy nareo, dia efa ninenbaka ela tamy ny lamba fisaonana sy ny lavenona izy. Math., xi, 21. » — « Jésus-Christ a dit : Si ces miracles avaient été faits dans Tyr et dans Sydon, il y a long-temps qu’elles auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre. »