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sait passer de temps à autre. Elle était même devenue un lieu de déportation pour les individus dont on voulait se défaire à Bourbon. L’administration de cette colonie laissait les malheureux exilés dans l’abandon le plus complet. À peine, de loin en loin, voyait-on apparaître quelque bâtiment à Sainte-Marie. Les troupes manquaient souvent du nécessaire, et ne recevaient qu’une partie de la ration qui leur était allouée. Enfin le découragement général, la division qui se mit parmi les employés, les ravages sans cesse renaissans du climat, tout semblait conspirer pour faire de ce coin de terre un séjour d’horreur pour ceux que leur mauvaise fortune y avait jetés.

Sylvain Roux mourut victime du climat, en 1825, après trois années d’une administration déplorable, qui ne s’améliora pas sous la plupart de ses successeurs. Pendant cet intervalle, Rhadama s’était emparé, sans éprouver de résistance, de tous les points de la côte sur lesquels nous revendiquions des droits de possession ; mais il n’avait jamais tenté de nous troubler à Sainte-Marie. La mort enleva le conquérant hova le 27 juillet 1828, avant qu’il eût réalisé tous ses projets d’ambition. Dans la force de l’âge, il succomba, les uns disent par suite de ses débauches, les autres, empoisonné par sa femme, Ranavalona-Manjaca, qui tint sa mort secrète pendant cinq mois. Ce temps lui était nécessaire pour préparer les moyens de s’emparer du pouvoir, au préjudice des frères de son époux auxquels il appartenait de droit, Rhadama n’ayant point laissé d’enfans mâles. Elle fut dirigée et secondée dans ce complot par son amant Andremiahaja, jeune Hova d’une rare beauté, que son intelligence et son courage avaient fait parvenir au grade de colonel, aide-de-camp du roi. Son rang lui donnait un libre accès auprès de la reine, et il en profita pour s’insinuer dans ses bonnes grâces et la séduire. Tous ceux qui pouvaient s’opposer à l’élévation de Ranavalona et de son complice furent impitoyablement mis à mort ou forcés de prendre la fuite. Rhateff, beau-frère de Rhadama, fut assassiné. Un des frères de ce dernier, Ramananoulou, après avoir résisté quelque temps, fut poignardé au fort Dauphin, et avec lui périrent soixante chefs de tribus vaincues que Rhamada y avait renfermés. Ramanateck, son second frère, parvint avec peine à s’enfuir à Anjouan, avec une partie de ses partisans