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fusillés du haut des murs du château ; leur chef reçut plus de vingt coups de feu, et mourut glorieusement sur le champ de bataille où s’élève aujourd’hui une colonne avec cette curieuse inscription :

« Ci-gît le corps de M. le baron de Rullecourt, officier général français, qui, dans la nuit du 6 janvier, envahit cette île à la tête de douze cents hommes (lisez trois cents), surprit le gouverneur et les magistrats, et les fit prisonniers de guerre. Heureusement qu’au point du jour, les Français, attaqués par la garnison et la milice aux ordres du brave major Pierson, qui perdit la vie dans cette glorieuse entreprise, furent totalement mis en déroute. Le gouverneur et les magistrats recouvrèrent leur liberté, et ils furent délivrés par la destruction et par la captivité des envahisseurs. Le baron de Rullecourt succomba, et cette colonne est moins un monument érigé à la mémoire d’un ennemi, qu’elle n’est, ô Jersey, un avertissement pour vous et pour vos enfans de donner à l’avenir plus d’attention à vous garder ! »

Ce fut alors seulement qu’on renonça à l’idée de prendre l’Angleterre avec ses îles, et qu’on revint sérieusement au projet plus raisonnable de protéger nos côtes dans la Manche.

On ouvrit en 1781 un cours d’ingénieurs pour l’exécution du plan de La Bretonnière. Le projet de M. de Cessart, ingénieur des ponts-et-chaussées, fut préféré aux modes d’exécution proposés par M. de La Bretonnière et le général de Caux. Louis xvi, bon mécanicien, habile tourneur et parfait serrurier, fut enchanté des petits modèles de digues en bois de cèdre et d’acajou qu’on lui envoya de Cherbourg. Il en avait orné son cabinet, et quand il était las de ses serrures et de ses panneaux à ressorts, il se mettait à jouer à la digue de Cherbourg. C’est peut-être à ce goût d’amusemens puérils que nous devons un des ports les plus magnifiques de la France.

Tout le monde a entendu parler du système de M. Cessart, et de la manière dont il fut exécuté, de ce fameux projet des cônes, que Dumouriez a décrit si longuement dans ses mémoires. Les cônes de Cessart étaient de grandes caisses de forme conique, composées de longues poutres, entourées et réunies par d’immenses cercles de fer, qui allaient toujours en s’élargissant jusqu’à la base. C’étaient, pour me faire mieux comprendre, des pains de sucre de