les quatre grandes cales de construction en granit qu’il voulait porter à vingt, et qui n’ont pas d’égales dans le monde ; et il venait en personne ouvrir l’avant-port du commerce, taillé dans le roc, véritable auge d’une seule pièce, qui peut contenir les plus grands vaisseaux de ligne, et qui renferme plusieurs millions de pieds cubes d’eau.
Ce fut encore une belle fête pour Cherbourg. Napoléon vint dans toute sa gloire, avec l’impératrice, suivi de ses ministres, de ses généraux, de ses courtisans ; on emmena le directeur des musées, une bande d’académiciens, une troupe de chansonniers : messieurs Denon, Désaugiers, Boieldieu, Isabey furent chargés de fêter l’Océan, et la littérature impériale eut ordre de prendre Cherbourg pour sujet de ses odes et de ses cantates.
Le bassin était entièrement terminé, il ne restait qu’à détruire un immense batardeau, qui empêchait seul la mer de s’élancer dans cette immense cuve longue de neuf cents pieds sur une largeur de sept cent vingt. L’entrée ou la gorge par laquelle les flots devaient y pénétrer, avait cent quatre-vingt-seize pieds d’ouverture. Quand l’empereur parut dans son pavillon, près de l’ouverture du bassin, où l’attendaient les marins de la garde, l’évêque de Coutances vint le haranguer avec son clergé, et aussitôt après on pratiqua trois brèches au batardeau. La mer ne fut assez haute et assez violente pour briser toute cette charpente que vers neuf heures du soir. Une multitude de torches élevées sur des mâts éclairaient cette scène, qui débuta par un effroyable craquement et une secousse violente. La mer entra alors comme une avalanche, avec un grondement terrible, accompagné de temps en temps par les éclats que produisaient les déchiremens du batardeau. L’empereur était resté à son poste, ayant devant lui l’escadre de la rade, commandée par le contre-amiral Troude, et il ne le quitta qu’après avoir vu réussir complètement cette admirable opération. Le nouveau port renfermait déjà cinquante pieds d’eau de profondeur, sur toute sa surface, quand Napoléon quitta le rivage. Le lendemain, il repartit pour Paris, laissant les ordres les plus exprès pour le rapide achèvement de la grande digue.
Il faudrait composer un livre si l’on voulait décrire tous les établissemens de Cherbourg, dont quelques-uns, et ce ne sont pas