et les transmettait à ses agens. La politique adoptée généralement pour les autres pays conquis l’avait été de même pour la Gaule : le gouvernement y était doux et paternel ; et comme la civilisation apportait à la barbarie des plaisirs, des arts et des jouissances qui lui étaient inconnus, elle n’eut pas de peine, la corruptrice qu’elle était, de façonner aux mœurs romaines les peuplades primitives de la Gaule. Le midi, surtout, dont les riches plaines touchaient à l’Italie par les Alpes, dont la même mer baignait le rivage, dont les habitans respiraient un air parfumé comme celui de Sorrente et de Pestum, fut la province chérie ; Narbo la Romaine s’éleva près de Massilia la Grecque ; Arles eut un amphithéâtre, Nîmes un cirque, Autun une école, Lyon des temples. Des légions indigènes, dont chaque soldat était fier de porter le nom de citoyen romain, furent levées dans la Narbonnaise, et, traversant la Gaule, allèrent soumettre à l’empire la Bretagne, que l’empire ne pouvait soumettre, comme ces éléphans privés, dressés par les rois de l’Inde, les aident à soumettre les éléphans sauvages.
À la domination romaine succéda la conquête franke, la barbarie à la civilisation. Il était temps : la corruption qui rongeait le cœur de l’empire s’étendait à ses membres ; la framée franke sépara la Gaule du corps romain, et la sauva. Il y a cela de remarquable que la civilisation qui conquiert la barbarie, la tue, et que la barbarie qui conquiert la civilisation, la féconde.
Les chefs franks conservèrent du gouvernement romain ce qu’ils en purent adapter à leurs mœurs et surtout à leurs intérêts : la domination fut unitaire sous Mere-wig et Hlode-wig ; elle fut divisée sous ses successeurs.
La division du pouvoir amena celle de la propriété : dès que la cheftainerie posséda, elle voulut avoir son représentant, comme la royauté avait le sien. La charge de maire du palais fut créée par elle : elle suivit les mêmes variations de progrès que la royauté qu’elle était appelée à remplacer un jour : temporaire sous Sighebert[1] et ses devanciers, elle fut viagère sous Hlot-her, et devint enfin héréditaire sous Hlodewig ii ; cependant, comme la royauté, elle était de principe électif : Reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt. Mais dès-lors que l’une des deux rivales avait faussé son principe, l’autre devait aussitôt renier le sien.
Les rois franks n’avaient donc point, comme on pourrait le croire, un pouvoir absolu : outre le maire du palais, placé près de lui pour repré-
- ↑ Le premier maire du palais dont il soit fait mention, est Goggon, qui fut envoyé à Athanagilde, de la part de Sighebert, pour lui demander la main de Brunehilde.