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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/472

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REVUE DES DEUX MONDES.

D’autres, les gens qui ne savent rien, étalaient, pour et contre, les motifs les plus graves. Ils s’en allaient partout disant que la royauté, si prévoyante, avait déclaré qu’il fallait se hâter de profiter de la tiédeur actuelle des esprits, pour obtenir une chambre encore plus dévouée ; que le vote de deux budgets dans une seule année hâtait le terme de la législature, et qu’en bonne politique il fallait devancer l’époque de sa mort naturelle. On craignait les progrès du tiers parti, disaient-ils, le tiers parti qui, dans la dernière session, avait déjà assez d’influence pour contrebalancer celle des ministres. D’ailleurs, il était indispensable de rassurer le congrès de Tœplitz, et de lui donner la preuve des opinions modérées de la France, que des élections générales pouvaient seules fournir. Il n’était enfin de graves et hautes raisons qu’on ne donnât pour dissoudre.

Contre la dissolution les raisons n’étaient ni moins graves ni moins hautes. M. d’Argout, l’homme du fait et des choses positives, avait reçu des préfets des rapports tels, qu’il eût été de la plus grande imprudence de recourir aux collèges électoraux : les carlistes s’agitaient et se décidaient enfin à prendre part aux élections ; de leur côté, les républicains consentaient à cette fameuse alliance avec les carlistes, dont parlent depuis si long-temps les journaux ministériels, et qui se cimente presque chaque jour à grands coups d’épée. Tœplitz était aussi appelé au secours de la chambre actuelle. C’était mal choisir le moment pour donner irruption à toute l’effervescence qui se manifeste toujours dans les élections générales. Tœplitz s’alarmait, Tœplitz faisait augmenter les armées de la sainte alliance ; c’était se montrer bien osé que venir ainsi troubler la digestion de Tœplitz !

Pendant ce temps, les gens bien informés se taisaient, et souriaient d’un air équivoque quand on leur parlait de la dissolution de la chambre. Ils ignoraient. Comment savoir de pareilles choses ? Comment les savoir en effet, puisque ceux de qui elles dépendaient, n’en savaient rien eux-mêmes ?

Pour les gens qui connaissent le personnel du ministère actuel, il n’est pas de parti politique dans le conseil, ni de parti doctrinaire. Si les ministres qui possèdent en ce moment la confiance du roi Louis-Philippe, vus à distance, peuvent se grouper par nuances d’opinions, ces opinions sont tellement subordonnées à de petits calculs et à de petits intérêts, qu’ils ne peuvent former un système. Supposez M. Thiers dans une situation à sacrifier, pour réaliser ses opinions politiques, une seule de ses jouissances de sensualité, d’avidité, d’amour-propre ou de vengeance, vous pouvez être assurés que son opinion ne l’arrêtera pas. Et M. Soult, qui livrerait plutôt le pays tout entier que la moindre parcelle de son traitement,