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ALDO LE RIMEUR.

m’attachait à elle et à la vie. Hélas ! il y a eu des jours où, dans mon découragement, j’ai souhaité que la pauvre Meg arrivât au terme de ses maux, afin de retrouver la liberté de me soustraire aux miens ! Tout à l’heure, dans mon délire, je me suis réjoui amèrement d’être enfin délivré de mon pieux fardeau. Je me suis assis en blasphémant au bord du chemin. Et j’ai dit : Je n’irai pas plus loin. — Mais je suis bien jeune encore pour mourir, n’est-ce pas, Jane ? Tout n’est peut-être pas fini pour moi, l’avenir peut s’éveiller plus beau que le passé. Je veux devenir riche et puissant ; si je trouve une douce compagne, tendre et bonne comme ma mère, et en même temps jeune et forte pour supporter les mauvais jours, belle et caressante pour m’enivrer comme un doux breuvage d’oubli au milieu de mes détresses, je puis encore voir la verte espérance s’épanouir comme un bourgeon du printemps sur une branche engourdie par l’hiver.

JANE.

J’aime beaucoup les choses que vous dites, ô mon bien-aimé ; quoique vos paroles ne soient pas familières à mon oreille, vos complimens me font toujours regretter de n’avoir pas un miroir devant moi, pour voir si je suis belle autant que vous le dites.

ALDO.

Et que vous importe de l’être ou de ne l’être pas, pourvu que je vous voie ainsi et que je vous aime telle que vous êtes à mes yeux et dans mon cœur ?

JANE.

Vous avez toujours à la bouche des paroles qui plaisent quand on les écoute ; mais quand on y songe après, on ne les comprend plus et on sent de l’inquiétude.

ALDO.

En vérité, Jane, vous raisonnez plus que je ne croyais. Eh quoi ! vous gardez un compte exact de mes paroles, et vous les commentez en mon absence ? Il faut prendre garde à ce que l’on vous dit !

JANE.

N’est-ce pas mon orgueil et ma joie de m’en souvenir ?

ALDO.

Aimable et bonne fille ! pardonne-moi. Je suis injuste ; je suis