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ALDO LE RIMEUR.

me relever à mes propres yeux, je vais briser un joug dont je rougis… Adieu.

(Il ouvre la porte de sa maison qui donne sur le fleuve et descend les degrés. Une barque pavoisée passe au même moment.)

AGANDECCA, sur la barque.

Quel est ce jeune homme si pâle et si beau qui descend vers le fleuve et semble vouloir s’y précipiter ?

TICKLE, sur la barque.

C’est un homme de rien, un rêveur, un fou, un misérable.

AGANDECCA.

Je veux savoir son nom.

TICKLE.

C’est Aldo le rimeur.

AGANDECCA.

Aldo le barde ? ses chants sont inspirés, sa voix est celle d’un poète des anciens jours. La beauté de son génie ne le cède qu’à celle de son visage. Je veux lui parler.

TICKLE.

C’est un homme sans usage et sans courtoisie, qui répondra fort mal aux bontés de Votre Grâce.

AGANDECCA.

N’importe, je veux voir ses traits et entendre sa voix. Faites aborder la barque au bas de cet escalier.

(Tickle donne des ordres en grommelant. La barque vient aborder aux pieds d’Aldo.)

ALDO.

Qui êtes-vous, et que demandez-vous à la porte de cette pauvre maison ?

AGANDECCA.

Je suis la reine et je viens te voir.

ALDO.

Votre Grâce arrive une heure trop tard, la maison est déserte. Ma mère est morte, et je ne repasserais pas le seuil que je viens de franchir, fût-ce pour la reine Mab elle-même.