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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/529

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ÆNEAS SYLVIUS.

être taxé de malveillance. Aussi règne-t-il dans l’ensemble de la volumineuse correspondance d’Æneas Sylvius, une bonhomie, une sincérité presque religieuse qui peut faire considérer ce recueil comme des confessions. « Il mit dans un ordre nouveau, dit Platina, les lettres qu’il avait écrites aux diverses époques de sa vie, d’abord avant qu’il ne fût entré dans les ordres, puis quand il les prit, et qu’il devint évêque, cardinal et enfin pape. »

Dans la dernière année de son règne, Æneas Sylvius adressa à un cardinal une longue épître, la cent deuxième de son recueil, où il parle de cette correspondance. Voici ce qu’il en dit : « J’en viens à présent au volume de mes lettres qui ont paru mériter votre approbation ; je me garde cependant d’accepter toute la part d’éloges que vous me faites, car je me sens bien loin des habiles gens auxquels vous avez la bonté de me comparer. J’ai la prétention de savoir ce que je vaux. Mon style manque d’éclat ; mais je parle franchement et sans détours. En écrivant, je rejette tout artifice ; je ne prends aucune peine, je ne me mêle pas de traiter des sujets trop élevés et que je ne possède pas entièrement ; enfin je ne parle que de ce que je sais. Quand on se comprend bien soi-même, il n’y a rien de si facile que de se rendre intelligible aux autres ; un esprit ténébreux ne saurait jamais arriver à faire jaillir la lumière. Quoique je n’ignore pas que mon style soit naturellement négligé, cependant je ne rejette pas, de gaîté de cœur, les expressions élégantes, quand elles me viennent. Je les accueille, si elles se rencontrent ; mais avant tout, je cherche à être clair et à me faire comprendre. L’imperfection de mes écrits m’a frappé surtout, lorsque vous m’avez témoigné le désir de voir le recueil de mes lettres. J’ai hésité quelque temps à vous satisfaire, lorsque j’ai pensé à laisser passer de semblables bagatelles sous les yeux d’un homme aussi éclairé que vous. D’ailleurs elles étaient pleines de fautes, et la collection n’en était pas encore complète ; car si, par le fait, on les avait déjà lues dans le public, c’était contre mon gré, puisque je ne les avais pas encore publiées. Mais tous mes amis, ainsi que les personnes avec lesquelles je me trouve en relation, les ayant successivement dérobées aux copistes, en ont fait un volume que chacun se passait pour le lire, et que l’on a vanté, bien que ce ne soit véritablement rien d’important. Après tout, si je ne puis me flatter d’avoir apaisé la soif de mes amis avec une eau bien pure, toujours est-il que cette eau n’est pas malfaisante. »

Ces paroles servirent de préface et d’apologie aux lettres qu’on va lire. Il nous reste cependant encore à justifier le choix que nous en avons fait. Il nous a paru piquant de faire connaître Æneas Sylvius Piccolomini tel qu’il était, tel qu’il s’est peint lui-même ; en un mot, de montrer l’homme