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pied d’une montagne, occupe une surface d’environ une lieue de long, quoiqu’il n’y ait en tout que huit à dix maisons européennes nommées Bangala ; mais chacune est au milieu d’un vaste jardin, et chaque jardin est séparé par une centaine de huttes. Comme le terrein n’est pas à ménager, les maîtres ont un logement à part pour leurs domestiques qui sont toujours fort nombreux dans l’Inde. La cuisine forme aussi un bâtiment particulier. Les bestiaux ont une étable où chaque paire de vaches pourrait facilement danser la gavotte ; les volailles habitent un poulailler qui ressemble à une immense volière, et les éléphans sont logés dans un hôtel qui ne le cède pas à beaucoup d’autres. Quoique cette petite ville frontière soit des plus anciennes, on n’y voit rien que de très nouveau, par la raison qu’on aime mieux dans ce pays se construire une nouvelle maison que d’en réparer une vieille. L’unique antiquité de Sylhet n’a guère que quarante ans d’existence ; c’était un temple hindou, dont les musulmans firent une mosquée ; puis les Anglais, un magasin à poudre. Les revenus territoriaux de cette province s’élèvent à neuf lacks de roupies ou environ 2,500,000 francs. La population est de huit millions d’habitans, et il y a pour tout ce monde-là deux juges qui les pendent, un médecin qui les tue et un collecteur qui les vole. À Chandernagor, nous recevons quatre lacks des mains de la compagnie, sans faire autre chose que donner quatre reçus, et nous comptons cinq bureaux avec vingt-cinq employés. J’ai déjà eu l’idée de faire un petit tableau comparatif de notre mode d’administration avec celui des Anglais que j’ai un peu étudié ; mais j’ai pensé que ce serait montrer trop clairement combien ils ont droit de se moquer de nous, et que, d’ailleurs, il n’était pas généreux de plaisanter sur des malheureux qui meurent de faim. On a beau dire que les Anglais paient bien parce qu’ils ont beaucoup d’argent, on a tort, car ils y tiennent plus que d’autres, et d’ailleurs, pourquoi en ont-ils beaucoup ? César disait : « Avec de l’argent on a des soldats, et avec des soldats on a de l’argent ». Voilà leur principe ; ils font des avances pour augmenter leurs fonds ; ils sèment pour recueillir : ils font la fortune de ceux qui les enrichissent. D’ailleurs leurs salaires sont calculés d’après les besoins qu’impose le climat, et ils n’ont d’autre générosité, en payant bien, que de faire vivre un peu plus long-temps ceux qui les servent. Ils donnent