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affection consolerait Métella et la rendrait complice de son parjure. Mais dès qu’il lui semblait voir Olivier gagner du terrain sur lui, sa vanité blessée et sans doute un reste d’amour pour lady Mowbray le rejetaient dans de violens accès de fureur. Il ne sentait le prix de sa maîtresse qu’autant qu’elle lui était disputée. Olivier comprit le caractère du comte et sa situation d’esprit. Il vit qu’il disputerait le cœur de Métella tant qu’il aurait un rival. Il s’éloigna et alla passer quelque temps à Rome. Quand il revint, il trouva Métella au désespoir et presque entièrement délaissée. Son malheur était enfin livré au public, toujours avide de se repaître d’infortunes et de se réjouir la vue avec les chagrins qu’il ne sent pas ; la désertion du comte et ses motifs rendirent le rôle de lady Mowbray fâcheux et triste. Les femmes s’en réjouissaient, et quoique les hommes la tinssent encore pour charmante et désirable, nul n’osait se présenter, dans la crainte d’être accepté comme un pis-aller. Olivier vint, et comme il aimait sincèrement, il ne craignit pas d’être ridicule ; il s’offrit non pas encore comme un amant, mais comme un ami sincère, comme un fils dévoué. Un matin, lady Mowbray quitta Florence sans qu’on sût où elle était allée ; on vit encore le jeune Olivier pendant quelques jours dans les endroits publics, se montrant comme pour prouver qu’il n’avait pas enlevé lady Mowbray. Le comte lui en sut bon gré et ne lui chercha pas querelle. Au bout de la semaine, le Genevois disparut à son tour, sans avoir prononcé devant personne le nom de lady Mowbray.

Il la rejoignit à Milan, où, selon sa promesse, elle l’attendait ; il la trouva bien pâle et bien près de la vieillesse. Je ne sais si son amour diminua, mais son amitié s’en accrut. Il se mit à ses genoux, baisa ses mains, l’appela sa mère, et la supplia de prendre courage.

— Oui, appelez-moi toujours votre mère, lui dit-elle ; je dois en avoir pour vous la tendresse et l’autorité. Écoutez donc ce que ma conscience m’ordonne de vous dire dès aujourd’hui. Vous m’avez parlé souvent de votre affection, non pas seulement de celle qu’un généreux enfant peut avoir pour une vieille amie, mais vous m’avez parlé comme un jeune homme pourrait le faire à une femme dont il désire l’amour. Je crois, mon cher Olivier, que vous vous êtes trompé alors, et qu’en me voyant vieillir chaque jour, vous serez