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portes du cirque des taureaux qui y était construit. Je m’approchai. Le factionnaire ne m’arrêtant point, j’entrai.


La place, déjà drapée et tendue pour la course royale du lendemain, était aussi tout entière illuminée, mais avec une magnifique simplicité. Chacun des balcons de ses cinq cents croisées supportait deux candélabres où brûlaient des cierges de cire blanche à quatre mèches, — cuatro mecheros. L’immense clarté qu’ils répandaient n’éclairait pourtant que la solitude. La place était presque déserte. Leurs majestés devant y passer en retournant à leur palais, de crainte d’encombrement, on n’y avait laissé pénétrer personne. Seulement, de l’arc d’Atocha à celui des Platerias, elle était traversée en biais par une double haie de volontaires royalistes qui se tenaient là immobiles, appuyés sur leurs fusils. L’amphithéâtre des gradins était vide également. À peine quelques figures apparaissaient-elles çà et là aux croisées. On n’entendait dans toute cette vaste enceinte que le pétillement des bougies.

Dix heures sonnèrent à l’horloge de la casa real de Panaderia. — Au même moment, les cloches de l’église de Santa-Cruz et du couvent de Saint-Thomas s’ébranlèrent à grandes volées. Il y eut un roulement de tambours. Une voix commanda le port d’armes, et ce mouvement s’exécuta soudain sur les deux lignes des volontaires.

C’était le cortège qui arrivait. La tête déboucha bientôt par l’arc d’Atocha.

Le timbalier de la ville entra d’abord ; puis vinrent les massiers, puis les alguazils, — puis tout le reste, — comme je l’avais vu défiler il y avait trois heures par la rue Mayor.

Ce n’était plus pourtant, comme là, ce cortège qui s’avançait lentement sous tant de milliers de regards, s’arrêtant, se balançant à chaque pas dans l’étroit chemin que les grenadiers provinciaux lui maintenaient à grand’peine au miheu des flots d’une foule bruyante. — Maintenant, à travers cette place inondée de lumière, mais déserte, il passait vite et sans obstacle. Oh ! cela figurait bien le profond isolement de la royauté dans ses splendeurs. Cette haie de volontaires royalistes n’avait pas de peuple à contenir. On eût compté les têtes qui regardaient des balcons. — Cependant les che-