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REVUE. — CHRONIQUE.

ministres se rangèrent pour la plupart, selon leur coutume, à l’opinion du maître ; et deux d’entre eux, les seuls qui aient conservé quelque velléité d’indépendance, déclarèrent qu’ils n’étaient pas préparés. L’agonie de Ferdinand, qui a duré dix mois, leur avait cependant laissé le temps de s’instruire.

Pour s’assurer toute la sécurité possible pendant ces inutiles conférences, on avait bravement enseveli dans le mystère du cabinet le contenu de la dépêche de Madrid. Voulait-on prendre le temps de s’instruire, et se mettre en état de répondre aux interpellations que les ambassadeurs étrangers ne manqueraient pas de faire à la réception de cette nouvelle ? Se réservait-on l’avantage et le plaisir de favoriser quelques honnêtes amis du parquet et de la coulisse ? Toujours est-il que la nouvelle de la mort du roi d’Espagne, parvenue au gouvernement par voie télégraphique, fut gardée secrète pendant deux grands jours, et qu’à l’heure même où le ministère annonçait l’évènement dont il venait, disait-il, d’avoir connaissance par le télégraphe, un courrier arrivé de Madrid, à dos de cheval, quittait l’étrier rue Bergère, chez un de nos principaux banquiers, et lui apportait cette même nouvelle à peu près dans les mêmes termes. Il faut que ce courrier se soit servi de bien bons chevaux, ou nos ministres de bien mauvais télégraphes. C’est ce que nous ne saurions dire ; mais ce qui est bien certain, c’est qu’une forte baisse, très prévue, très naturelle, fut le résultat de cette communication.

L’administration du télégraphe que Casimir Périer avait réclamée pour lui seul, en sa qualité de président du conseil et non de ministre de l’intérieur, est restée dans les mains du chef de ce dernier département. Or, pour peu qu’il soit souple et dévoué, les nouvelles venues par cette voie peuvent être communiquées directement au chef réel du ministère, sans l’intervention des autres ministres. Le mécanisme de cette communication est d’une grande simplicité. D’abord, un personnel peu nombreux est attaché à l’administration télégraphique, et tout le secret est circonscrit dans un cabinet central composé d’un administrateur en chef, d’un traducteur et d’un copiste. La dépêche, copiée sur les signaux de la machine, est apportée, au fur et à mesure qu’elle se dessine, à l’interprète, qui la traduit sous les yeux même de l’administrateur ; et, selon les règlemens, elle doit être envoyée en triple expédition au président du conseil, au ministre de l’intérieur, et au ministre que cette dépêche concerne. Mais les règlemens plient toujours devant une volonté puissante et ferme, et un ministre de l’intérieur, qui sait avec quelle grâce on l’accueille quand il se présente avec une dépêche unique ; bien soigneusement cachée à tous ses collègues, ne résiste pas toujours à ces séductions. C’est au