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elle affirma que les anciens principes littéraires étaient justes, et les nouvelles doctrines erronées et sans aucune valeur. Elle avait reproché à Walter Scott d’abandonner le large espace du poème épique, pour choisir, au mépris des plus saines observations, des sentiers montagneux et des contrées romanesques. Maintenant elle blâmait Wordsworth de chercher la poésie dans ses propres inspirations et dans les tableaux de la nature qui l’environnaient.

Wordsworth est le poète de la nature et l’homme aux nobles émotions, aux sentimens généreux, l’homme épris de tout ce qui tend à nous élever plus haut dans les idées d’honneur, de morale et de religion. Son style est, comme les sujets qu’il traite, simple, touchant et sans prétention. Peut-être entre-t-il quelquefois dans des détails trop minutieux, et l’on peut lui reprocher aussi d’avoir pris de temps à autre des choses trop vulgaires pour en faire l’objet de son inspiration. Mais on aimera toujours sa poésie pour les sentimens vrais et passionnés qu’elle respire. Wordsworth demeure à Rydal, dans le Westmoreland, et occupe une place dans l’administration du timbre. Il n’ignore pas ce que valent ses rêveries. Sa conversation est éloquente, et c’est un de ces hommes que l’on ne peut voir sans éprouver le désir de les revoir encore.


Southey. — Il y a des poètes dont le génie ne se borne point à produire des vers, mais qui, ayant atteint la cime du Parnasse, en descendent pour se jeter dans le large domaine de l’histoire, et conquérir, en adoptant la vérité pour muse, une renommée rivale de celle que leur ont procurée leurs fictions. Robert Southey est l’un de ces hommes-là, et l’un des plus distin-

    sur la littérature moderne de nos voisins. C’est en luttant corps à corps avec la Revue d’Édimbourg, le Quarterly, le Blakwood, que Byron, Scott, Southey, Wordsworth, ont atteint le développement extraordinaire de leur force intellectuelle. Comme dans ces pays encore sauvages où la puissance physique et l’adresse du corps deviennent si redoutables et s’entretiennent dans les combats perpétuels, dans les assauts de force et de ruse que se livrent les tribus ennemies, la critique d’une part, et le talent créateur de l’autre, ont, pendant les trente années qui commencent notre siècle, déployé en Angleterre, toutes leurs ressources : il y a dans les Revues anglaises des chefs-d’œuvre de discussion et de polémique ; et les attaques les plus violentes contre Scott, Byron et Wordsworth, n’ont pu ni diminuer leur gloire, ni amortir leur génie. Ce que la Revue d’Édimbourg reprochait surtout à Wordsworth, c’était l’importance presque majestueuse avec laquelle il traitait certains sujets : l’Âne mort, l’Enfant Perdu, le vieux Mendiant, etc. Crabbe avait fait de semblables essais, mais avec ironie ; Burns, avec naïveté ; Wordsworth voulut y joindre une sorte de grandeur religieuse et tragique.