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aux plus violentes critiques, car on l’a attaqué aussi bien que Wordsworth, sans ménagement, parce que ses écrits ne ressemblaient pas à ceux des autres poètes. S’il eût suivi la route commune, sans doute il s’y serait encore distingué, mais il donna carrière à ses propres émotions, et au risque d’endurer le martyre dont le menaçaient les critiques, il ne voulut suivre que son cœur et ses inspirations propres.

Sa vie a été laborieuse et honorable ; il est un de nos plus féconds et de nos meilleurs écrivains. Beaucoup de critiques même placent ses ouvrages d’histoire et de biographie au-dessus de ses poèmes. Esprit varié, fécond, facile, orné de l’érudition la plus vaste, Southey vit à Keswick, aussi retiré que sa grande réputation peut le lui permettre. Peu de voyageurs instruits visitent les lacs, sans désirer voir le poète de Thalaba, le biographe de Nelson, et l’historien du Brésil.


Montgomery[1]. — Écrire la vie de Jacques Montgomery, c’est en quelque sorte composer un roman. Il naquit à Irvine, dans l’Ayrshire, le 4 novembre 1771. Son père, prédicateur morave, l’emmena à l’âge de quatre ans à Antrim, en Irlande, où il passa environ une année, et de là, on le conduisit à Fulmick, dans un séminaire morave, pour y être élevé, tandis que son père et sa mère s’en allaient dans les Indes occidentales faire l’éducation des nègres. Tous deux périrent dans cette dangereuse entreprise, et le jeune poète fut redevable de son entretien et de son instruction à la générosité des Moraves. Sa situation n’était cependant pas peu monastique, car il devait rester dix ans séquestré du monde ; mais elle eut un admirable résultat littéraire, et ce à quoi les bons frères ne s’attendaient peut-être pas, c’est qu’il en sortit poète.

À l’âge de dix ans, Montgomery faisait des vers, et à quatorze, ses essais remplissaient deux volumes. Les frères moraves, ne le jugeant pas,

  1. Les trois derniers poètes cités avec éloge par l’auteur, Grahame, Montgomery et Hogg, sont plutôt doués de talent que de génie, et sont loin de s’élever à la hauteur de Southey, de Wordsworth et de Scott. Sans doute, la classification de M. Allan Cunningham n’a d’autre règle que la date des naissances de chaque poète. S’il avait classé selon leur influence respective les écrivains dont il s’occupe, il aurait d’abord parlé de Scott, qui le premier ouvrit la carrière, précédé pas les étranges imaginations de Lewis, auteur du Moine ; puis de Thomas Moore qui le suivit, puis de Southey et de Byron. Les noms de Campbell, Rogers, Wilson, se seraient placés ensuite dans cette liste. L’inconvénient de la forme adoptée par le spirituel auteur de ces biographies est de ne pas assez faire sentir quelle action chacun de ces écrivains a exercée sur son siècle, sur ses rivaux et ses successeurs.