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de Frias, San-Carlos, Casa-Irujo et le marquis de Santa-Cruz, qui a épousé la nièce de Mme Brunetti, femme de l’ambassadeur d’Autriche. Cette circonstance n’est pas aussi indifférente qu’on pourrait le croire.

M. de Las Amarillas représente un juste milieu entre le ministère de M. Zéa-Bermudez, qui voudrait conserver le statu-quo de l’Espagne, et le parti modéré de l’émigration espagnole, qui demande une constitution moins démocratique que celle de l’île de Léon. Ces derniers ont conservé beaucoup de ramifications dans la Galice, couverte de ses caliegos, petits propriétaires qui ont gardé de l’attachement pour la constitution des cortès ; dans la Catalogne, où Mina exerce encore de l’ascendant ; dans les Alpuxarras, à Carthagène, à Grenade, à Malaga, à Cadix et à Valence, où les paysans ont été affiliés aux communeros. Dans un avenir peut-être très rapproché, le ministère de M. Las Amarillas, qui ne peut tarder à se former, aura ce parti à combattre. M. de Rayneval, homme d’une haute habileté, a déjà compris que c’est sur le nouveau ministère de M. Las Amarillas que devra s’appuyer l’alliance de la France, et que le rôle de notre gouvernement, tel qu’il est aujourd’hui, sera de protéger ce parti de juste-milieu contre les communeros, alliés naturels de l’opposition libérale et du parti de la république dans tous les pays.

Il s’agit donc pour nos diplomates de former en Espagne un ministère, et de renverser au plus tôt M. Zéa-Bermudez, qui s’est placé par ses antécédens sous l’influence de la Prusse et de la Russie. Telle sera la nature de notre intervention en Espagne, et nous osons prédire qu’elle sera toute pacifique.

Il est vrai qu’à la nouvelle de la mort du roi Ferdinand, il y eut un mouvement d’enthousiasme belliqueux au château des Tuileries. On obéissait à la fois et involontairement à un instinct égoïste, national et révolutionnaire. Dans le premier moment, on se laissa étourdir par les vieux généraux de l’empire et de la restauration qui se voyaient déjà traversant au pas de course toute la Péninsule et pénétrant de nouveau dans ces belles cathédrales espagnoles où se trouvent encore tant de tableaux de Murillo, de Cano et de Ribeira. On voyait d’avance, dans l’héritier du trône, un second pacificateur de l’Espagne ; dans cette heureuse campagne qui s’ouvrait, un nouveau moyen d’entourer à peu de frais le trône de juillet de quelques rayons de gloire militaire. L’enivrement fut tel qu’on ne s’abordait qu’en parlant de cent mille hommes sur les Pyrénées, de subsides, de l’occupation des places fortes de Catalogne, etc. La loquacité de M. Thiers n’eut donc pas de peine à faire décider dans le conseil l’envoi de M. Mignet, chargé d’aller dire à Madrid tout ce qu’on avait pensé et