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DE LA CHINE.

que par égard pour l’usage et pour les oreilles de mes compatriotes j’appellerai de son nom latinisé, nom assez étrange pour un personnage chinois, Confucius.

M. Rémusat, sauf la publication d’un des livres classiques du second ordre, s’est peu occupé de l’école de Confucius, pour laquelle il ne partageait point l’enthousiasme de certains jésuites. Je suis cependant obligé de m’y arrêter un peu. La portion de cette notice, consacrée à la philosophie chinoise, serait trop incomplète, si Confucius n’y figurait point.

Entre Confucius et Socrate, il y a plusieurs analogies qu’on a remarquées. Nés vers le même temps[1], ils ont eu même tendance pratique, même éloignement pour la spéculation. Cicéron a dit que Socrate fit descendre la philosophie du ciel, et la tradition rapporte que Confucius n’aimait pas à parler du ciel et de la nature. La célèbre inscription du temple de Delphes, connais-toi toi-même, fut le point de départ de la morale socratique. Le perfectionnement du moi est le fondement de toute la doctrine de Confucius. Confucius posa en termes très précis la nécessité absolue de la morale, indépendamment de tout intérêt personnel ; la loi, disait-il, si elle variait de l’épaisseur d’un cheveu, ne serait plus la loi. Pourquoi parler de l’intérêt ? ajoutait un de ses disciples ; il y a la justice et l’humanité, et rien de plus. Le stoïcisme est là tout entier.

Tantôt ce sont de vagues éloges de la vertu, tantôt des préceptes froidement compassés. Le caractère abstrait de la langue, les formes presque mathématiques du style ancien, sont singulièrement favorables, chez Confucius et ses disciples, à l’expression nue et tranchée de l’obligation morale, proclamée dans sa rigueur impérative ou apodictique, pour parler le langage de Kant. Des sentences brèves et roides prescrivent une vertu inflexible, par quelques signes inflexibles aussi qui peignent à l’esprit des idées générales de devoir juxta-posées, sans liaison grammaticale, comme des chiffres, et se balançant comme des nombres.

Sans doute cette morale est ferme et pure, mais elle manque entièrement d’enthousiasme et d’onction, et par là elle est infé-

  1. Confucius, l’an 551, et Socrate l’an 470 avant notre ère.