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phrases où Confucius avait reconnu la sienne. Le peuple a continué à y chercher des horoscopes, et un célèbre matérialiste du xiiie siècle a montré clairement que la ligne continue est évidemment le principe actif de la nature, la ligne brisée le principe passif ; et sans ménagement pour Confucius, partout où celui-ci avait vu de la morale et de la politique, il a vu de la physique et de la physiologie.

Ainsi se groupent ces divers systèmes autour de l’antique énigme que chacun d’eux a la prétention d’expliquer ; ainsi s’enroulent, pour ainsi dire, comme le fil sur le fuseau, tous ces commentaires ingénieux d’un texte inintelligible.

Quoique l’origine du second des livres classiques, nommé Chou-King, ne soit pas aussi curieuse, ce livre, qui contient l’histoire de la Chine pendant les premiers siècles, a eu aussi ses aventures : brûlé par Hoang-Ti avec un soin tout particulier, parce qu’il contenait, très développés, les enseignemens moraux et politiques que le tyran voulait abolir, une portion seulement a survécu à ce désastre. D’abord, on n’avait sauvé que ce qu’avait pu retenir la mémoire d’un vieillard ; puis on joignit à ces débris vingt-cinq chapitres de plus, au moyen d’un exemplaire qu’on trouva, tout altéré par l’humidité et les ans, dans une muraille de la maison de Confucius.

Confucius n’était point l’auteur du Chou-King ; il en tira la substance de livres plus anciens, d’où son but ne fut pas tant d’extraire des documens pour l’histoire que des enseignemens pour la morale et des exemples pour la politique. Aussi, les harangues des princes, les remontrances des ministres, y tiennent-elles une grande place. On désirerait parfois quelques faits de plus et quelques sentences de moins, surtout quand on songe que c’est peut-être le monument historique le plus ancien qui existe. Le père Régis, homme de sens, qui, dans ses Lettres à Fréret, se moquait fort judicieusement de ceux qui voyaient les patriarches dans les anciens souverains de la Chine, et dans le roi Ouen-Ouang une figure du Messie ; le père Régis reconnaît dans le Chou-King des parties beaucoup plus anciennes que les ouvrages de Moïse[1].

  1. Voyez la dissertation latine placée à la tête de la traduction de l’Y-King, par le père Régis, qu’a donnée M. Mohl, pag. 125.