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DE LA CHINE.

une harmonie, qui pourra tourner en confusion, entre les cinq élémens, les cinq couleurs, les cinq planètes, les cinq relations sociales. Chaque élément, je suppose, aura sa couleur, et voilà une physique à priori ; chaque relation sociale dépendra de sa planète, et l’on aura un système d’astrologie, et cette physique et cette astrologie se tiendront. Tout se pénétrera, se mêlera. À chaque idée morale correspondront plusieurs autres idées de l’ordre politique, astronomique, physique, physiologique ; toutes ces idées seront rangées dans des compartimens bizarres et réguliers. On pourrait presque dessiner comme une figure de géométrie une pensée qui se projette ainsi ; et le style qui l’exprimera sera lui-même symétrique, géométrique. Toute période sera mesurable comme une ligne, calculable comme un angle.

En même temps la valeur de ces notions abstraites si rigoureusement alignées, balancées, équilibrées, cette valeur est très peu précise, c’est la symétrie dans le vague, à tel point, que les opinions les plus diverses les adoptent, sauf à exploiter diversement les mêmes formules. Toujours en vertu de cette horreur de l’innovation dont j’ai déjà parlé, une école ou une secte nouvelle se garde bien d’employer un langage à elle, elle prend le fonds d’expressions communes à toutes, les catégories en circulation, et se contente de leur donner un autre sens : spiritualistes, matérialistes, panthéistes, sectateurs de Bouddha, de Lao-Tseu ou de Confucius, se servent des mêmes dénominations pour exprimer les idées les plus différentes ; et chacun fait jouer ces dénominations et ces idées selon leurs analogies reçues, d’après son point de vue particulier. De là, au premier coup d’œil, quelque chose d’uniforme et d’indéterminé. Une des plus grandes difficultés qu’on ait à vaincre pour comprendre à fond les livres chinois, c’est de démêler le mouvement de la pensée sous ce réseau impalpable qui l’emmaillotte, c’est d’atteindre la réalité et la vie à travers ce laborieux artifice de puérils rapprochemens, d’énumérations incomplètes et de mensongères identités.

Il y aurait un travail à faire, difficile, mais d’une grande utilité ; il faudrait dresser un tableau de toutes ces catégories, établir la correspondance des divers objets et des diverses notions qu’elles comprennent ; on prendrait d’abord celles-ci dans le sens ortho-